
GALLICANISME ET TRAGÉDIE 97
usufruitier maintenu sur le trône par la tolérance de ses sujets. La lecture typologique
avait elle-même valeur d'argument :
(...) à
ne
regarder
que
l'empire temporel de la famille de David, la prescription avait
lieu contre elle ;(...) le
trône
n'en devait
être
éternel que d'une manière spirituelle en
la personne de Jésus-Christ (...)
81
.
L'évêque de Meaux attirerait enfin l'attention des religionnaires sur l'ascendance
d'Athalie. Si la Loi ancienne condamnait effectivement l'idolâtrie et le meurtre, nul
n'attenta jamais contre les personnes royales de Jéroboam, d'Achab ou Jézabel sans
une caution supérieure. Leur sort n'était scellé que par Dieu seul :
(...) il demeurait pour constant qu'ils ne répondaient qu'à Dieu seul
:
c'est pourquoi
lorsqu'il voulait les punir par les voies communes, il créait un roi à leur place,
ainsi qu'il créa Jéhu pour punir Joram (...), l'impie Jézabel sa mère, et toute leur
postérité
82
.
Conclusion
Formidable concrétion
de
toute une culture religieuse et
littéraire,
A thalle s'impose
comme la synthèse remarquable de la plupart des apports éducatifs, politiques et pieux
réalisés par le Petit Concile. Partie intégrante de la louange politique dont le pouvoir
s'enorgueillissait face aux nouveaux convertis, sa dimension apologétique ne pouvait
pas échapper à ses contemporains :
(...) le courage de l'auteur est encore plus digne d'admiration que sa lumière, sa
délicatesse et son inimitable talent pour les vers. L'Ecriture y brille partout et d'une
manierre à
se
faire respecter par
ceux qui ne
respectent
rien.
C'est partout la Vérité qui
touche et qui plaît (...). On est encore plus instruit que remué (...)
83
.
Quelle que soit la dimension privilégiée pour aborder la tragédie biblique d'Athalie,
aucun des registres mis en place, qu'ils soient de nature politique, théologique,
voire purement dramaturgique, ne sont clairement isolables a priori. Ils reflètent ces
continuels aller et retour, spécifiques des instances du mécénat de la fin du siècle,
entre le pouvoir monarchique, ses comités organisateurs et les artistes. Sur le plan des
représentations,
en
recourant au genre de la tragédie, Racine s ' inscrivait inévitablement
dans cette dimension du théâtre contemporain assumant un rôle social de catharsis
tout en soulignant le passage d'un univers religieux vers un univers juridique, étalant
au grand jour le mystère du pouvoir royal. Certes, tout au long d'Athalie, Racine
montre unifié ce que la modernité avait séparé. L'onction royale, par exemple, semble
retrouver son caractère originel tandis que la fonction monarchique elle-même est
évoquée selon une sémiotique continue mettant en avant son caractère sacrificiel par
excellence. Le tragédien satisfait bien à l'expression de ce que les sémioticiens ont
qualifié de « spectacle du sacrifice originel que le monarque n'accomplit plus parce
que les institutions ont pris la place des rites et que le roi est devenu un gestionnaire
qui agit dans la longue durée »
M
. Pourtant, ce tableau presque idyllique figurant
une Jérusalem nouvelle, une Jérusalem de l'âge d'or, devenue un pôle idéel que le
Petit Concile tente de brosser au fil de ses ouvrages et qui devait inspirer Racine, est
loin de faire la démonstration d'un véritable optimisme. Relevant d'une démarche
essentiellement apologétique et polémique, c'est finalement l'inévitable dégradation
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