
34 LA SACRALISATION DU POUVOIR
sous Auguste par Verrius Flaccus
75
; aussi Valère Maxime pouvait-il les consulter
76
.
Ce Publius Mucius Scaeuola fut aussi l'adversaire de Scipion Emilien et soutint
Tiberius Gracchus, le frère de Caius Gracchus, dans ses réformes politiques
77
; c'est
pourquoi il est plausible que les Annales tenues sous son pontificat disculpent l'aîné
des Gracques. Ce dernier, questeur de Mancinus en Espagne, a négocié la reddition
romaine face aux troupes numantines, si bien que le Sénat de Rome voulut livrer à
la cité espagnole le général, mais aussi son lieutenant ; le Sénat échoua en ce dernier
point
78
.
La troisième provenance du récit de Valère Maxime, dans la mesure où il ne s'en
prendrait qu'à Mancinus, pourrait être en fait Scipion Emilien et son cercle
79
. Comme
beaucoup d'historiens modernes, nous pensons que l'histoire des trois prodiges non
respectés par Mancinus a été inventée par des adversaires politiques, et notamment par
Scipion Emilien et son cercle ; le vainqueur de la celtibère Numance, nous le savons,
était respectueux de la vieille religion romaine
80
, dont fit partie très tôt Hercule
81
.
De plus, en mettant la défaite de Mancinus sur le plan religieux, Scipion Emilien
et/ou son cercle - y compris les historiens ultérieurs - ont dépossédé, ou du moins
tenté peut-être de le faire par
après,
Tiberius Gracchus de son heureuse - mais pas aux
yeux de tous (voir infra)
!
- initiative de sauver de la captivité quarante mille soldats
romains et italiens
82
, au profit de la religion traditionnelle ; en effet, dans l'affaire
du traité honteux avec Numance, alors que le Sénat de Rome voulait livrer à la cité
espagnole non seulement le général, à savoir Mancinus, mais aussi son lieutenant, à
savoir Tiberius Gracchus, « il semble que Scipion (...) lui vint en aide »
83
, et sauva
ce dernier, mais ne put réitérer son action lors du tribunat de Tiberius Gracchus, en
raison de sa présence devant Numance
M
et aussi de son opposition à des réformes
agraires des plus radicales
85
; c'était une façon ou une occasion pour le second
Africain de combattre ou de contrecarrer l'influence des Gracques. Car les Scipions
s'étaient battus en Espagne lors de la deuxième guerre punique
86
, et le père même
de Scipion le second Africain, à savoir Paul Emile, le futur vainqueur du roi Persée
à Pydna, exerça divers commandements dans la péninsule ibérique
87
, alors que le
père de Tiberius avait provisoirement soumis les Celtibères jusqu'à nouer des liens
d'amitié avec eux
88
. D'autre part, quand les Romains, jeunes et vieux, renâclaient
à partir combattre les effrayants Celtibères vers 151 av. J.-C, Scipion Emilien se
proposa, même au titre de tribun militaire ou de questeur, de faire campagne en
Espagne
89
; de même, alors qu'en 138 av. J.-C. plus d'un plébéien désertait face
aux Celtibères, Tiberius Gracchus fut élu questeur et désigné par le sort pour l'armée
d'Espagne
90
. Aussi, ce ne sont pas les écrits du frère de Tiberius, Caius Gracchus,
mais les anecdotes circulant dans le cercle de Scipion Emilien qui furent davantage les
sources des historiens, et pour notre sujet, de Valère Maxime.
Un précédent milite en faveur de l'attribution à Scipion du dénigrement de
Mancinus ; nous savons en effet que le futur destructeur de Numance s'en prit à
Claudius Marcellus qui, en 152, opéra en Espagne septentrionale ; celui-ci « voulait
que la guerre prît fin sous son commandement » et « incitait le Sénat romain à
chercher un accommodement », peut-être un retour à la situation sanctionnée par le
traité de Tiberius Gracchus, le père de notre célèbre tribun
9l
. Mais « le Sénat rejeta
le projet de paix », vraisemblablement sous l'impulsion de Scipion, lequel se proposa
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