
148 LA SACRALISATION DU POUVOIR
latrie ; on pourrait lui rendre un culte, mais inférieur à celui que nous rendons à
Dieu, et supérieur à celui que nous rendons aux saints, et que saint Thomas appelle
hyperduîie
2i
.
Ce qui signifie en d'autres termes que le Cœur de Jésus n'est distinct ni de la
personne divine, ni de l'âme qui l'informe, ni du corps sacré dont il forme une partie.
Toutefois, ce Cœur vivant n'est pas adorable au même titre que n'importe quelle
autre partie du corps du Sauveur ; il est choisi pour deux raisons : parce qu'il est
débordant d'amour pour les hommes, et parce qu'il est affligé de leur ingratitude. Cela
ne veut pas dire, pour autant, que ce Cœur soit le siège de ses affections sensibles.
Simplement, c'est un symbole universellement accepté de l'amour du Christ pour
les hommes, qui
s'est
traduit par son sacrifice ; et un symbole de l'affliction dont le
Christ a été réellement affligé aux jours de sa vie mortelle
22
. En conclusion, selon la
Bulle, l'objet de la dévotion au Sacré-Cœur, c'est l'hommage rendu au Dieu-Verbe
fait homme, nous montrant dans son Cœur blessé un amour dévoué jusqu'à la mort et
payé de noire ingratitude, ce qui suppose de notre part un comportement d'expiation.
Le message de Paray-le-Monia!
La grande initiatrice de la dévotion fut la religieuse bourguignonne Marguerite-
Marie Alacoque, (1675-1689), béatifiée en 1864, canonisée en 1920. Elle exprima
très tôt des sentiments religieux d'une grande piété, et entra au monastère de la
Visitation Sainte Marie (qui dépendait de l'ordre de saint François de Sales) à Paray-
le-Monial, après avoir pris elle-même le nom de Marie en juin 1671. Les visites du
Sacré-Cœur honorèrent la jeune femme entre 1673 et 1675, donnant naissance au
«Message de Paray-le-Monial», dont la première impulsion semblait s'inscrire dans
un contexte anti-janséniste : «Il me sembla que notre Saint fondateur me fit connaître
fort sensiblement le désir qu'il avait que ce sacré Cœur fut connu, aimé et glorifié de
tout son Institut, disant que c'était le moyen le plus efficace qu'il a pu obtenir pour
(...) l'empêcher de succomber sous les artifices d'un esprit étranger plein d'orgueil
et d'ambition qui ne cherche qu'à ruiner l'esprit d'humilité et de simplicité qui est
le fondement de l'édifice que Satan cherche à renverser. Il ne le pourra faire, si nous
avons le sacré Cœur pour protecteur, pour défenseur et pour soutien»
23
.
On peut s'interroger sur les origines de la dévotion, qui devrait probablement être
saisie dans le cadre d'une étude globale de la spiritualité du monastère de Paray dans
la deuxième moitié du xvir
5
siècle
M
. Mais il y a aussi la dévotion personnelle de la
voyante, sa piété d'enfance, une atmosphère favorable à la nouvelle pratique, qui se
retrouve au
xvir
5
siècle parmi les familles spirituelles les plus diverses - bérulliennes,
eudistes - sans compter sa prédisposition à entendre le
«
langage du cœur», à travers
l'enseignement salésien, très probablement puisée dans l'atmosphère de la Visitation.
Dans un billet du 10 juin
1611,
elle écrit : « Vraiment notre petite congrégation, a écrit
saint François de Sales à la mère de Chantai, est un ouvrage du Cœur de Jésus et de
Marie ; le Sauveur mourant nous a enfantés par l'ouverture de son sacré Cœur»
25
.
La personnalité de Jésus, telle qu'elle
s'est
révélée à Marguerite-Marie,
comportait deux aspects, sans doute interdépendants : c'était d'abord un Christ «un
peu trop humain», un époux ombrageux vis-à-vis duquel la visionnaire se sentait
obligée de se disculper, et dont le corps exerçait manifestement sur elle une grande
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