
LES DUOS MYSTIQUES 171
qui rejettent la Compagnie et l'Eglise. La fondatrice accepte d'être une « victime
d'holocauste » tout au long de sa vie pour coopérer comme Marie à l'œuvre du Christ
rédempteur de l'humanité pour la vie éternelle et recevoir quelques bienfaits anticipés
dans la condition actuelle, aussi bien individuels que politiques. Ses filles spirituelles
et d'autres jésuites vivront intensément et feront vivre cet idéal au tournant du siècle
à l'ombre de la basilique du Vœu national à Montmartre pour le salut de la France et
la liberté de l'Eglise.
Marie de
Saint-Pierre,
Perrine Eluère (1816-1848)
et Léon Papin-Dupont (1797-1876)
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Les messages du Christ que Perrine Eluère, carmélite à Tours, transmit ont une
portée politique évidente. L'irrespect à l'égard des pauvres, du repos du dimanche
et du nom de Dieu défigurent la Face de la France de la monarchie de Juillet qui
a quelques rapports avec la Face du Christ défigurée par les péchés des hommes.
Devant de tels désordres, il faut que les chrétiens fervents fassent réparation. Comme
ces désordres sont publics, il faut que les chrétiens responsables des villes de France
prononcent des amendes honorables publiques, faute d'espérer de telles démarches de
Louis-Philippe et de son gouvernement. Il faudrait mieux connaître l'abbé Panager,
curé de Saint-Etienne, son confesseur et directeur avant son entrée au carmel en 1839,
de même que le prêtre attaché à sa communauté. Il est probable que ce dernier soit à
l'unisson de l'archevêque de Tours, François Morlot, qui n'autorisa pas la fondation
dans son diocèse d'une confrérie chargée de diffuser cette façon de voir et de faire,
alors que Louis Parisis, évêque de Langres, la permit dans le sien. La demande avait
dû être transmise par la prieure du carmel, malgré sa propre réserve. Il faut attendre
les rencontres de Léon Papin-Dupont avec la carmélite voyante pour que celui-ci
donne une dimension nationale à ses intuitions, sur plusieurs décennies et sous divers
régimes politiques. Les désordres constatés sous la monarchie de Juillet subsistent en
effet tout au long du siècle. Ce duo d'une carmélite et d'un pieux laïc a été efficace.
Marie-Véronique
du
Cœur de
Jésus,
Caroline Lioger (1825-1883)
et
Emile
Roux
M
Les Victimes du Sacré Cœur dites de Grenoble ou de Draveil fondées en 1857 ne
sont pas à confondre avec celles de Marseille, même si elles ont la même spiritualité
et le même nom
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. Des textes de la fondatrice permettent de préciser sa pensée
politique. Il lui est demandé par le Christ de l'aimer comme victime pour coopérer à
son œuvre de salut. Elle voit vers 1847, « l'Eglise dans l'oppression, la terre couverte
de
maux, l'horrible péché, cause de tous les malheurs et les âmes tombant comme des
feuilles dans l'enfer ». Sa communauté doit remédier mystiquement à ces désordres
politiques. Emile Roux, un sulpicien, se consacre entièrement à la direction spirituelle
de la communauté tant en sa tête qu'en ses membres en tenant compte d'influences
franciscaines et jésuites. Léon Dehon, fondateur des prêtres du Sacré Cœur de
Saint-Quentin, entre dans les vues de la religieuse mystique au point qu'il a voulu
appeler ses disciples les « prêtres victimes du Sacré Cœur » et les affilier à l'œuvre
féminine. Mais leurs chemins restèrent parallèles
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. Il est possible que les options
politiques aient joué un rôle dans la séparation, le religieux étant réputé démocrate
et la religieuse, monarchiste, semble-t-il. Mais l'un et l'autre aimaient leur patrie.
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