
SUR LA TERRE DU REMORDS 155
le gratin légitimiste
61
. Charrette de la Contrie n'était autre que le fils d'un autre de
la Contrie, Athanase-Charles-Marie (1796-1848), pair de France en 1823, qui avait
épousé la fille du duc de Berry et d'Amy Brown, Marie-Charlotte, comtesse de
Vierzon. Il avait participé activement au soulèvement de la duchesse de Berry. Les
liens familiaux recoupent donc ici les fidélités religieuses : cinq frères Charette se
sont mis au service de la Papauté ; ils étaient petits-neveux du chevalier, petits-fils du
duc de Berry, neveux du comte de Chambord. Artus de La Salmonière, tué à Monte
Rotondo le 8 février
1861,
était un petit-neveu de Bonchamp. Jacques de Cathelineau,
grièvement blessé à Mentana, un arrière petit-fils du général vendéen. On comptait
aussi dans leurs rangs un Cadoudal, descendant de l'ennemi juré de Bonaparte. Les
noms parlent d'eux-mêmes
:
Monti de Rezé, Espivent de la Villeboisnet... et, parfois,
deux générations combattaient côte à côte : Fernand de Bouille avec son fils Jacques
et son gendre Edouard de Cazenove de Pradines...
En dépit de leurs succès militaires et de la ferveur de leurs engagements
contre-révolutionnaires, ils furent toujours incapables - probablement en raison du
manque de volonté de Chambord lui-même - de s'organiser en une force politique
réactionnaire cohérente
:
la droite radicale restait captive de son complexe
«
catholico-
légitimiste»
62
. La troupe fut placée sous le commandement du général de Sonis, issu
d'un milieu catholique. Pendant cette période, il y eut environ dix mille zouaves venus
de différents pays, mais le contingent français était le plus important, et le recrutement
provenait essentiellement de Nantes. Les zouaves pontificaux formaient, à en croire
leurs opposants, la «neuvième croisade», participaient à des messes, des retraites
fréquentes, identifiaient aussi l'Eglise et la France, identification qui se renforcera
encore quand ils se transformeront en «volontaires de l'Ouest». Par exemple, Henri
Le Chauff de Kerguenec mandait à son père, le 21 janvier 1866 : «Pauvre France,
comment ne pas y penser tout particulièrement en ce jour du 21 janvier? Voilà
soixante-treize ans qu'elle expie l'assassinat du roi-martyr, enserrée dans les chaînes
de la révolution... »
63
.
L'image du Sacré-Cœur servit, à Patay, de ralliement au dernier carré de ses
défenseurs qui tombèrent au cri de : «Vive Pie
rx !
Vive la France
!
». Recueilli comme
une relique sur le champ de bataille, le drapeau fut alors déployé par Charette dans
une église de Rennes, tandis qu'un autre zouave pontifical - lui aussi grièvement
blessé à Patay - Cazenove de Pradines (1838-1896), déposait en 1871 sur le bureau
de l'Assemblée nationale une proposition de loi instituant des prières publiques pour
le salut de la France. Né à Marmande, Pradines avait été le secrétaire du comte de
Chambord, auquel il resta attaché jusqu'en 1870. Engagé dans l'armée des Volontaires
de l'Ouest, grièvement blessé à Patay, il siégea constamment à l'extrême-droite
comme député du Lot-et-Garonne et fut un des fondateurs du groupe parlementaire
dit des «chevau-légers». Le texte de sa proposition disait : «L'Assemblée nationale,
profondément émue des malheurs de la France, demande que des prières publiques
soient adressées au Ciel, afin d'apaiser nos discordes civiles et de mettre un terme aux
maux qui nous affligent»
M
.
Le symbole fut donc de plus en plus exploité à la fois dans un sens patriotique et
contre-révolutionnaire. On n'en resta pas là. Des comités catholiques furent organisés
un peu partout, qui mirent sur pied de grands pèlerinages nationaux, à La
Salette,
Ars,
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