
LES RITUELS D'INVESTITURE ET DE MORT DU PAPE 69
richesse symbolique : il fallait à la fois dire la caducité de celui qui reçoit les cendres
tout en respectant la personne institutionnelle du pape.
Les funérailles du souverain pontife
Voyons à présent comment sont
réglées,
sur le plan institutionnel, les funérailles et
la ritualisation de la transmission des pouvoirs lors de la mort du pape, cet événement
dont Pierre Damien parle comme d'un «moment de terreur» pour rhumanité. En
effet, le vide ou la vacance du pouvoir a été au Moyen Age (comme peut-être de tout
temps) le grand problème institutionnel. La très grande difficulté que l'Eglise romaine
a dû résoudre dans ces siècles centraux du Moyen Age était la succession. Les xf-xu*
siècles sont des siècles de schismes continuels et il était extrêmement difficile d'avoir
des successions bien réglées, comme celles auxquelles nous sommes habitués depuis
plusieurs siècles. Tout l'effort de l'Eglise à cette époque-là va donc être de tâcher de
ne pas laisser vide ce moment terrible qui se produit à la mort d'un pape. Il
s'agit
de
mettre en place un rituel de transition, et ce rituel trouve son aboutissement dans la
constitution d'un temps rituel officiel de deuil, à savoir une période de neuf jours :
c'est une neuvaine (novemdiales).
La neuvaine
Voyons tout d'abord les questions que la ritualisation de la mort du pape devait
résoudre et ensuite quelles solutions le nouveau rite funéraire de la neuvaine y a
apporté. Sur le plan de l'élaboration symbolique du problème, il a fallu dire plusieurs
choses à la fois. C'était en cela que résidait la complexité. II fallait dire en même
temps que le pape doit mourir, qu'il doit redevenir homme, et à la fois que l'Eglise
continue. Et à l'intérieur de cette grande problématique, on assiste également à
l'émergence d'un corps constitutionnel auquel on confiera à la fois les pouvoirs
ecclésiologiques et la ritualisation : à savoir les cardinaux. Le corps du collège des
cardinaux va ritualiser ce passage. Au xnf siècle, qui est un siècle sans schisme,
le problème est résolu de manière presque définitive avec de nouveaux rituels.
Jusqu'au xif siècle, les papes étaient ensevelis selon un rituel qui était pratiquement
le même que celui qui concernait les autres évêques. Il n'y avait pas de distinction.
La grande nouveauté, c'est qu'à partir du xu* siècle, il y a la naissance d'un nouvel
ordo,
d'un nouveau cérémonial. D'ailleurs en coïncidence avec ce qui se passe pour
les rois de France et d'Angleterre. Les premières manifestations d'un rituel funéraire
exclusivement réservé aux rois de France et aux rois d'Angleterre datent en effet du
début du
XII*
siècle. Et c'est à cette époque que l'on parle d'un rituel exclusivement
réservé aux papes. Il
s'agit
par conséquent d'un mouvement de plus grande ampleur
qui touche tous les souverains au Moyen
Age.
Il faut toutefois attendre la fin du xiir
5
siècle pour voir naître le rituel qui finalement va durer pendant des siècles (et jusqu'à
aujourd'hui)
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. C'est le rituel de la neuvaine.
Les funérailles du pape vont donc durer neuf
jours.
Le rituel de la neuvaine est
bien attesté à partir de l'époque avignonnaise, au
xrv*
siècle. Il ne peut en tout cas pas
précéder le décret Ubipericulum de Grégoire x sur le conclave (1274). En demandant
aux cardinaux d'attendre dix jours avant d'entamer le conclave et de procéder à l'élection
d'un nouveau pape, Grégoire x avait créé de fait un nouveau temps rituel, permettant
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