
96 LA SACRALISATION DU POUVOIR
démarche et des anathèmes qu'il encourrait inévitablement en ravivant la querelle.
Athalie offrait une échappatoire. Aux côtés de la Defensio, elle pouvait réintroduire
les solutions du débat du tyrannicide sur la scène littéraire et politique française alors
que la question avait précisément dû être évacuée de la publication de la Déclaration
de 1682 face à laquelle les menaces de schismes se faisaient trop présentes
74
.
Athalie et les controverses religieuses avec les réformés
La clarification de l'autorité temporelle des représentants de l'Eglise découlait
également de l'urgence des polémiques confessionnelles. VExposition de la
doctrine de l'Eglise catholique sur les matières de controverses l'attestait déjà. Les
discussions des Ultramontains sur la validité des conciles de Constance et de Bàle,
proclamant la supériorité du concile général sur le pape, ne faisaient en effet que
susciter l'impertinence des pasteurs de la « religion prétendue réformée »
75
. En
1681,
P. Juneu publiait sa Politique du clergé de France ou entretiens curieux de
deux catholiques romains
76
à laquelle A. Arnauld se devait de répondre dans son
Apologie pour les catholiques
v
. Inévitablement la controverse sur le tyrannicide,
la question de la légitimité des souverains hérétiques ou apostats et les déviances du
« papisme » étaient appelées à resurgir au gré d'interminables polémiques. Dans le
temps de rassemblée du
clergé,
Arnauld s'évertuait donc à souligner l'obéissance due
par les catholiques à leur souverain légitime - quelle que soit sa religion -, tout en
réintroduisant la définition du droit divin et celle du tyran en éclairant les notions de
« tyran sans titre » et de « tyran d'administration »
78
. Condamnant le droit de révolte,
le théoricien janséniste en appelait aux mêmes autorités bibliques
:
David, mais aussi
celle qui aurait dû constituer le titre même de la tragédie, Joas :
Joas Roy de Juda abandonna Dieu pour adorer les Idoles & fit mourir cruellement
le Prophète Zacharie fils de Joiada. Quelques-uns de ses serviteurs émus de zèle le
tuèrent dans son lit. Mais Amasias son successeur les fit mourir avec justice. Car
l'Escnture nous apprend par
tout,
que quoique les Princes fassent de grands maux, il
n'est point permis de se révolter contre eux (...) ce sera Dieu qui les jugera (...)
n
.
Cette argumentation ne réussit pas à imposer le silence aux refuges protestants. En
1685,
Jurieu publiait ses Préjugez légitimes contre le papisme avant d'égratigner
P.
Nicole sur le chapitre de l'unité de l'Eglise, en 1688. Un an plus tard, Bossuet
entrerait en lice, publiant ses premiers Avertissements
aux
protestants. Le cinquième
d'entre eux, paru en 1690, serait consacré au seul « fondement des empires renversé
par ce ministre ». En se disputant la plus grande conformité avec les premiers courants
du christianisme, les deux partis se contraignaient à revenir sans cesse sur les mêmes
paragraphes de la
Bible.
Au-delà du respect du temporel promulgué par saint Matthieu
ou VEpître aux Romains de Paul, revenait l'exemple des Macchabées appuyant l'idée
de révolutions légitimes qui n'étaient que le fruit d'une inspiration particulière, voulue
par Dieu pour accomplir sa volonté et restaurer la lignée du Christ. La figure d'Esther,
rappelant la patience des juifs persécutés par le mauvais conseiller du roi, n'était
jamais très éloignée de la révolte de Mattathias, justifiée par l'intervention divine
80
.
A travers le personnage de David, Bossuet se plaisait encore à anéantir l'idée qu'un
simple « particulier » pût renverser en toute impunité un gouvernement voulu par
Dieu. Il était amené à distinguer, contre Jurieu, un roi sacré par l'ordre divin d'un roi
Comentarios a estos manuales