
88 LA SACRALISATION DU POUVOIR
fit la cérémonie de l'onction : toute l'assistance fit des vœux pour le nouveau prince
(...) Quoique tout cet appareil soit merveilleux,
j'admire
sur toutes choses cette belle
cérémonie de mettre la loi sur la tête et la loi dans la main du nouveau monarque :
car ce témoignage que l'on met sur lui avec le diadème, n'est autre chose que la loi
de Dieu, qui est un témoignage au prince pour le convaincre et le soumettre dans
sa conscience (...). Sire, je supplie votre majesté de se représenter aujourd'hui que
Jésus-Christ, Roi des rois, et Jésus-Christ, souverain pontife, pour accomplir ces
figures, met son évangile en vos mains ; ornement auguste et royal, digne d'un roi
très-chrétien et d'un fils aîné de l'Eglise
43
.
Matérialisation de la dette contractée par le pouvoir temporel à l'égard du spirituel,
ces rites ne pouvaient manquer d'être évoqués par Racine :
JOAS
Je promets d'observer ce que la Loi m'ordonne.
Mon Dieu punissez-moi si je vous abandonne.
JOAD
Venez, de l'huile sainte il faut vous consacrer (v. 1409-1412).
La similitude des devoirs soulignés par le prédicateur et le dramaturge, naissait
sinon d'une intertextualité directe, du moins d'une même volonté d'illustration de
la casuistique temporelle et spirituelle qui, à travers la politique, forgeait le statut
monarchique répercuté dans les arts. L'expression des obligations du souverain
culminait ainsi systématiquement dans le rappel de son sacre. Athaîie ne faisait en
cela que renouer avec le Saint Paulin de Noie, plus proche encore de Bossuet :
Ceignez dans ce moment le royal diadème,
Asseurez-vous par tout de la grandeur suprême,
Et ne permettez pas que d'injustes rivaux
S'emparent les premiers du fruit de vos travaux
Mais qu'enfin le Ciel, ou le trosne vous appelle,
A de si grands devoirs songez d'estre fidelle,
N'imitez pas ces Roys, dont l'esprit orgueilleux,
Pense que les Estats ne sont faits que pour eux,
Qu'un digne Potentat doit n'aimer que la guerre
N'admettre dans son cœur que de vastes projets,
Et ne compter pour rien le bonheur de ses sujets ;
(...) d'un grand Roy la véritable gloire
(...) est d'aimer son Peuple, et d'en estre le Père,
D'avoir toujours un cœur sensible à la misère,
Et de n'estre attentif qu'au dessein généreux,
De le régir en paix, & de le rendre heureux
u
.
Aussi Racine rejoint-il régulièrement Bossuet jusque dans sa versification :
(...) tout ce que le prince exige lui-même de l'amour, de l'obéissance, de la gratitude
de ses sujets, lui est une leçon perpétuelle de ce qu'il doit à sort Dieu, à son
souverain
45
.
Je sais, que dès l'enfance élevé dans les armes
Abner a le cœur noble, et qu'il rend à la fois
Ce qu 'il doit à son Dieu, ce qu 'il doit à ses Rois (v. 456-459).
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