
Sur la terre du remords
Le Sacré-Cœur et la France au
xix
e
siècle
Jacques
MARX
La terre du remords
Dans
la
pensée contre-révolutionnaire, 1 ' exécution
de Louis
xvi,
le 21
janvier 1793,
a scellé à jamais la complicité ignominieuse du peuple français dans la consommation
du crime entre les crimes. Pour Ballanche (1776-1847) ', continuateur de Maistre et
devancier de Chateaubriand, auteur de L'Homme sans Nom (1820) et de La
Ville
des
expiations (1832), la mort du roi figure
à
jamais dans les mémoires comme une scène
primitive, empreinte
d'une
violence obscure, inscrite
dans
un processus historique vécu
comme une agonie. Cette vision suppose une dégradation, un déclin, et
c'est
pourquoi
l'idée
de remords, de mauvaise conscience liée à un état antérieur ou à une situation
antécédente de la France, servira ici de cadre de référence. La mauvaise conscience
résulte du trauma de 1789, et plus particulièrement du moment fort qu'a représenté la
mort du roi («l'illustre victime» sacrificielle) par rapport à une conception idéalisée
et quasi mythique de la France d'Ancien Régime. Le «Remords», lui, se constitue
à partir
d'une
vision de l'ancienne France que résume le schéma bien connu de la
monarchie sacrée et, par voie de conséquence, des responsabilités particulières de la
monarchie dans la conduite
d'une
nation perçue comme la «fille aînée de l'Eglise».
Un adage célèbre rend compte de la situation : Gesta Dei per Francos
2
.
L'objectif sera de montrer comment, autour de l'image du Cœur Sacré de Jésus,
s'est
organisée dans la France post-révolutionnée, une anthropologie (pratiques et
rituels) centrée autour des thèmes de la culpabilité et de l'expiation, en même temps
qu'une théologie politique, c'est-à-dire un système de pensée centré sur
l'idée
qu'il
existe un pouvoir souverain sacralisé.
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