
RELIGION ET POLITIQUE À ROME 31
La voix
La voix qui tente de dissuader Mancinus de partir pour l'Espagne, ne peut être
que d'origine divine
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; ainsi, lorsque Rome se libéra des Etrusques par la guerre en
509 503 av. J.-C.
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. D'ailleurs, d'autres écrivains, des historiens comme Tite-Live,
font mention de paroles prononcées par une voix qualifiée de céleste
24
. Une des voix
les plus célèbres se signala en 391/386 av. J.-C, quand un plébéien du nom de Marcus
Caedicius
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« annonça aux tribuns qu'(. ..)il avait entendu une voix plus qu'humaine
lui ordonner d'annoncer aux magistrats l'approche des Gaulois. Naturellement, on
ne tint aucun compte de cet avis émanant d'un homme de basse extraction, et puis
il s'agissait
d'une
nation lointaine et, par suite, assez peu connue »
26
. Cette voix du
ciel, les Romains l'appelèrent
Aius
Locutus (ou Loquens) et lui bâtirent un temple
27
.
Nous constatons que la voix céleste annonce un danger presque imminent et mortel.
Il semble en être de même lors de la prise de la ville de Satricum par les Latins
28
. La
voix est donc l'expression, parmi d'autres, de la divinité
29
;
c'est
pourquoi il nous
paraît naturel de la mettre en rapport avec le traité honteux conclu par Mancinus,
puisque tout traité fait appel à la caution des divinités
30
.
Le serpent
Le Thésaurus
Hnguae
Latinae
31
donne une liste impressionnante d'emplois de
serpent comme animal porientosum, reiigiosum ; il peut être de bon ou de mauvais
augure
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. Dans le cas de Mancinus qui nous préoccupe, il est un signe funeste
33
,
comme pour Tiberius Gracchus
34
.Tite-Live raconte une anecdote semblable, mais qui
touche l'arrière-grand-père du même Gracchus
35
. Le serpent annonce encore la mort
par exemple chez cet historiographe du
IV
e
siècle qu'est Julius Obsequens
36
. Celui-ci
cite les suites d'un incident qui se produisit en 105 av. J.-C.
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: « Le lendemain, les
serpents qui étaient sortis furent tués à coups de pierres par le peuple. Une statue en
bois du dieu Mars, dont les portes du temple avaient été ouvertes, fut trouvée debout
sur la tête ; les Lusitaniens taillèrent en pièces une armée romaine »
38
.
L'on pourrait se demander pourquoi nous nous efforçons de mettre le mauvais
augure du reptile en liaison avec la deditio de C. Hostilius Mancinus. Un contemporain
de Valère Maxime, l'historiographe Velleius Paterculus, dit de la guerre de Numance :
« (Numance) n'eut jamais plus de dix mille de ses propres citoyens sous les armes ;
mais,
en raison, soit de leur caractère indomptable, soit de l'incapacité de nos chefs,
soit de la faveur de la fortune, elle amena non seulement les autres généraux, mais
même Pompée, un homme de grande renommée - le premier des Pompées qui parvint
au consulat - à conclure des traités absolument déshonorants ; elle en imposa de
non moins déshonorants et abominables au consul Hostilius Mancinus. Mais, grâce
au crédit dont il jouissait, Pompée resta impuni, tandis que la honte qu'il éprouvait
conduisit Mancinus à ne pas se dérober et à se livrer, nu et les mains liées derrière
le dos, par les fétiaux aux ennemis. Ces derniers refusèrent de le recevoir, comme
l'avaient fait jadis les habitants de Caudium, en affirmant que la violation publique de
la parole donnée ne devait pas être lavée dans le sang d'un seul homme »
39
.
Par la deditio
40
, Mancinus livre sa personne, sa vie aux Numantins ; sa mort
éventuelle rejoint le symbole de mort qu'est ici le serpent
41
.
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