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MAURICE BARRÉS ET LE CULTE DE JEANNE D'ARC 191
à exhumer les racines lorraines de Jeanne, ce mouvement n'a pas pour vocation de
figer la sainte dans une histoire locale mais au contraire de mieux faire apparaître son
pouvoir de dissémination, voire d'insémination. Car si le mystère de la naissance de
Jeanne à elle-même est lié à la Lorraine, la geste johannique est liée à Chinon, Poitiers,
Tours,
Orléans, Patay, Gien, Troyes, La Charité, Compiègne, Bourges, Rouen. En un
mot, c'est une histoire française.
La date a également son importance. C'est le
14
juillet.
L'enjeu est clair
:
refonder
le sacré républicain, suturer la césure révolutionnaire. Jeanne est fille du peuple -
Barrés est fasciné par la figure de Louise Michel, la « Jeanne d'Arc de la Commune ».
Le lieu n'est pas indifférent, la rue (contre la chambre), métonymie de la république
du peuple. C'est bien le drapeau tricolore qui orne la place. L'aura de Jeanne a une
forte composante épique
:
sa gloire est le fruit de son élévation (paysanne, elle vient du
bas ; guerrière et martyre, elle connaît le mystère des élévations). Ce n'est pas le ciel
des idées morales qui descend sur
terre.
Le centre de gravité
s'est
déplacé
:
De cœlo in
inferna, selon la formule barrésienne. C'est du bas que part l'énergie. Si la statue de
Jeanne est au-dessus, c'est qu'elle
s'est
élevée.
L'orateur, quant à lui, est de plain-pied. Sa parole aussi vient du bas et sait
renouer, par la force qu'il puise chez son inspiratrice, avec le prestige des armes.
C'est une parole qui tire sa justification et son efficacité de sa proximité d'âme avec
Jeanne. La dramaturgie fait de l'orateur un simple porte-parole. Entre l'action passée
de Jeanne, la parole actuelle de l'orateur et l'action militaire à venir, il n'y a pas de
solution de continuité. La geste de Jeanne engendre le discours qui lui-même appelle
à la reconquête. L'orateur est un simple médiateur qui escompte que du « musée de
l'honneur »
39
qu'est devenu le canton de Domrémy un appel à l'action puisse se faire
entendre.
La figure 2, qui montre Maurice Barrés en conversation avec Jeanne d'Arc, le
13 juin 1913, aux Tuileries, est un cliché maladroit extrait d'une épopée moderne
qui resterait à écrire ; ce n'est pas seulement le présent qui s'ennoblit de la présence
symbolique du passé glorieux, c'est ce passé qui cesse d'être inaccessible pour
redevenir possible dans le sourire bon enfant. Et la rigidité hiératique de la pose.
Toute ridicule qu'est cette photographie, rien n'y fait
:
la gloire dont Jeanne est le
symbole tangible est de nouveau accessible. L'orateur n'est plus saisi en train de
discourir mais conversant avec un simulacre. On notera le léger sourire - celui
d'un hommer qu'il faut « trouver l'âme de Jeanne d'Arc sous son pittoresque ».
La théâtralisation, le travestissement ne sont que des pis-aller. Barrés sait bien que
« c'est ici, dans ces vallées isolées que la source, pour qui saurait la retrouver, coule
toujours dans sa parfaite limpidité » ^
.
Le rite se fait toujours faute de mieux, en lieu
et place de l'immédiateté fantasmée. Il passe par une théâtralité dont le kitsch ne doit
pas oblitérer l'efficace
41
. C'est dans le paysage, dans la méditation poétique que l'on
peut espérer renouer avec l'âme de Jeanne. Cette image dit tout le pathétique d'une
ritualisation désespérée dont on peut dire que Barrés ne sera jamais totalement dupe.
Barrés sait que « ce qui reste de Jeanne », c'est « le parfum de ses fleurs, le son de ses
cloches, l'immatériel »
42
. La politique se lit alors comme la poursuite de la poétique
par d'autres moyens, forcément vains. Le rite politique n'est pas totalement sacré : il
ressortit à une forme composite, mêlée de profane et revêt un aspect ludique (comme
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