
258 LA SACRALISATION DU POUVOIR
d'or et de pampilles, tel cet intérieur de l'automobile de Pie xi garni d'un trône tout à
fait classique quant aux matériaux, formes et couleurs.
Les articles de La Libre Belgique décrivant le passage d'un « souverain pontife »
à l'autre consacrent de longs passages à la description du cérémonial en vigueur.
Par exemple, lors de la mort de Benoît xv, en 1922, le lecteur n'ignorera rien du
déroulement des rituels funèbres, qui durent neuf
jours,
ni des détails de l'élection
avec ses implications vestimentaires. « Trois costumes de différentes tailles sont tenus
prêts.
Quand le Pape a revêtu les bas blancs, la mule de velours rouge, la soutane,
la ceinture et la calotte blanches, le camail de velours cramoisi bordé de cygne, il
s'assied sur la « sedia gestatoria » ou trône
portatif,
devant l'autel de la Sixtine. On
lui remet l'anneau du Pêcheur (...) »
7
.
Le couronnement de Pie xi est décrit avec un grand luxe de détails (« les
chapelains portant sur des coussins la tiare et les mitres précieuses (...) le sous-diacre
apostolique portant la croix papale ») et semble ravir le journaliste
:
« le cortège, fermé
par les gardes suisses, offre un coup d'œil merveilleux par la vivacité et la variété des
couleurs lorsqu'il défile par la nef centrale à travers les fidèles agenouillés »
8
.
L'envoyé spécial de La Libre Belgique rend compte
avec
emphase
de
la cérémonie :
« ce couronnement fut l'apothéose de la papauté moderne »
9
, annonce-t-il. Le pape
remonte la grande nef de Saint-Pierre dans la « sedia gestatoria ». « Seule, une
tempête peut rendre le bruit des acclamations étouffant les chants. Deux énormes
éventails aux armes pontificales, les «flabelli », entourent le trône du Pape ; le Saint-
Père,
la mitre d'or en tête, apparaît très pâle (...). Cette pâleur du prêtre blanc élevant
la blancheur divine résume le moment unique signalé par les appels des trompettes
d'argent ».
Le lecteur de La Libre sera tenu au courant minutieusement de tout le cérémonial
(l'étoupe brûlée, symbole de la limitation dans le temps du pouvoir, l'imposition du
pallium, le couronnement de la tiare), de toutes les formules prononcées.
La « description sommaire » (sic) de la tiare du couronnement n'occupe pas
moins de vingt-cinq lignes.
L'envoyé spécial se dit ébloui par la magnificence du spectacle et utilise à foison
des termes tels que « prodigieux » ou « enluminés » dans sa longue description du
cortège. « Robes de moire cramoisie, mitres de damas, amicts de lin, chasubles de
satin brodé, chapes d'argent et dalmatiques d'or, traînes violettes des manteaux,
dentelles des rochets et des aubes, hermines, velours et pierreries, nuages d'encens,
flamme des cierges, cire des visages, scintillement des bagues et des croix ; tous les
tons,
tous les reflets, tous les chatoiements se mêlent en un violent coloris de vitrail.
L'interminable et fastueuse file brouille le regard, éblouit la pensée »
i0
.
Comme le résume le Patriote illustré, en couverture, sous la photo du
couronnement : « Rien au monde ne peut égaler l'inoubliable grandeur de ce
spectacle »
n
et cette grandeur semble aux catholiques de l'époque un témoignage
convaincant de la supériorité de l'Eglise catholique sur les autres confessions.
La mort de Pie xi, dix-sept ans plus tard, en 1939, ne donne pas lieu à des
modifications du cérémonial. Le corps du pape a été embaumé, ses viscères placées
dans une urne. Il est exposé à la vénération des fidèles, d'abord revêtu d'une soutane
blanche et de la mozette rouge, puis d'une autre chasuble rouge passée sur le pallium
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