
LES RITUELS
D'INVESITTURE
ET DE MORT DU PAPE 71
la mort ou un jour après. Il n'y avait pas d'intervalle très long entre le moment de la
mort et les funérailles. Ce temps s'allonge de plus en plus au
xm*
siècle et finira donc
par donner lieu à la ritualisation de la neuvaine (les novem diales, «neuf jours»).
Plus il faut exposer un corps défunt, plus il faut le soumettre à des procédures
d'embaumement qui permettent de le conserver. Ce qui est très intéressant dans
l'histoire de l'embaumement médiéval (dont on entend peu parler pendant le haut
Moyen
Age),
c'est de voir à quel point il est lié à la
papauté.
En effet, c'est seulement
à partir des grands traités de médecine et de chirurgie de la fin du xnf et du xiv*
siècle que l'on connaît les pratiques d'embaumement. Or, ces médecins (Henri de
Mondeville, Guy de Chauliac) se réfèrent presque toujours à l'embaumement des
papes.
C'est à cause du corps du pape que Ton a dû mettre au point des procédures de
plus en plus sophistiquées pour pouvoir conserver ce corps pendant plusieurs jours.
Lorsque l'on embaume le corps des papes, on le fait en laissant toujours les pieds, les
mains et naturellement le visage non couverts, pour que la dévotion populaire puisse
s'exprimer au travers du baisement des pieds ou des mains. Il y a aussi une autre
raison à cela
:
ne pas couvrir ces parties du corps, c'est permettre rauthentification
publique de la mort du pontife.
Conclusion
L'approche qui, pendant longtemps, a dominé dans les études historiques sur la
papauté médiévale et le pouvoir relevait soit de l'histoire des théories politiques, soit
était d'ordre purement institutionnel : on a débattu interminablement des rapports
conflictuels entre la papauté et l'Empire, on
s'est
intéressé aux doctrines de la
théocratie pontificale, on
s'est
interrogé sur la place du pape dans l'ecclésiologie et
dans les structures administratives de l'Eglise. Mais dans l'ensemble, l'approche est
restée théorique et n'a pas pris en considération l'histoire des pratiques du pouvoir, ou
plus exactement, la manière dont ce pouvoir
s'est
concrètement
mis
en scène au travers
de gestes, de rituels et de symboles. En outre, avant les travaux décisifs d'Agostino
Paravicini Bagliani dans ce domaine, on ne se posait pas la question de la relation
entre la dimension physique de la personne du pape et l'institution qu'il est amené à
représenter. Les travaux de cet éminent médiéviste participent d'un nouveau champ
historiographique dans les études médiévales qui porte sur le corps, aspect jusque-là
trop ignoré dans les travaux des historiens malgré la place pourtant essentielle que
la corporéité occupe dans le christianisme médiéval. C'est donc dans ce sillage que
s'inscrit mon approche (qui tient à la fois de l'histoire et
de
l'anthropologie religieuse),
centrée sur la question du pouvoir et du sacré. Pour interroger précisément la manière
dont le pouvoir sacralisé des papes au Moyen Age
s'est
mis en scène pratiquement, au
travers d'un dispositif rhétorique et rituel d'une très grande cohérence, il m'a semblé
intéressant d'étudier les rites d'investiture et les rituels funéraires pontificaux, en
considérant tout particulièrement leur dimension symbolique. On a ainsi un excellent
observatoire de la manière dont les théories, notamment
celles
justifiant la monarchie
et la théocratie pontificales, trouvent une incarnation dans un rituel correspondant.
Lors de l'investiture, plusieurs éléments rituels (l'étoupe, les sièges du Latran) disent
avec force au futur pontife qu'il est homme et que son pouvoir est transitoire, tout
en glorifiant l'institution ecclésiale. Les rituels funéraires pour leur part (c'est-à-dire
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