
214 LA SACRALISATION DU POUVOIR
Par la suite, les évêques se retrouvèrent dans le cadre des réunions des instituts
catholiques
w
et plus régulièrement lors de réunions provinciales annuelles
97
. Mais
ces réunions étaient de bien peu de poids. C'était le triomphe de rultramontanisme
et de la centralisation romaine. Les évêques français étaient blessés par la défiance
du Saint-Siège. Surtout, les « lieutenant de Dieu »
9$
dans la République se sentaient
dépossédés de leurs prérogatives. M
p
Fuzet, archevêque d'Orléans, héritier de la
tradition gallicane ", l'exprime dans une lettre adressée au cardinal Richard
10
°.
(...) C'est
là une
nouveauté dans la tradition ecclésiastique et le commencement
d'un modernisme disciplinaire plein de danger. Manifestement, il devient évident
que le Pape veut administrer l'Eglise de France directement par voie de circulaires
émanant de la Secrétairerie d'Etat. Dès lors, il ne confirmerait plus les Frères, il les
absorberait. Les évêques dis-je, que le Saint-Esprit a placés pour régir l'Eglise, ne
seraient
plus,
en fait, que
des
Préfets apostoliques. (...)
Avec
votre longue expérience
et votre haute sagesse, il vous appartient, Eminence, d'avertir le Souverain Pontife
des périls qui
pourraient résulter
de
cette situation
: il vous
appartient
de
le supplier
de
permettre aux évêques de France de chercher et d'appliquer, sous la sanction de son
autorité suprême, les remèdes réclamés par les maux qui désolent notre malheureuse
Eglise.
Cela
ne
peut se faire qu'en
des
réunions épiscopales plénières agissant selon la
règle et dans l'esprit de l'unité catholique (...).
De fait, les évêques français ne se réunirent plus collégialement. Ce n'est qu'en
1919,
que fut créée, avec l'accord de Rome, l'assemblée des cardinaux et archevêques
français
(ACA)
qui n'avait alors ni pouvoir, ni autorité contraignante. Elle s'organisait
autour d'échanges de vue. Cependant ses déclarations et ses résolutions acquirent de
fait une force morale
I01
. Les évêques n'étaient toujours pas autorisés à se réunir, ce
qui ne manquait pas de soulever des récriminations
m
. La constitution d'organismes
centraux et d'un pouvoir épiscopal de type collégial se fera au lendemain de la
seconde guerre mondiale. Le secrétariat de l'épiscopat fut créé en 1945. Les évêques
se réunirent à nouveau en assemblée plénière en 1951. Il y en eut désormais tous
les trois ans. L'assemblée décida la création de quinze commissions spécialisées.
En 1962, le secrétariat de l'épiscopat remanié, renforcé, devint le secrétariat général
de l'épiscopat. Ainsi, à la suite du concile Vatican u
103
, était véritablement créé
un épiscopat français fondé sur la collégialité, dont les instances et l'organisation
reprenaient les résolutions des évêques dans leurs assemblées de la Séparation
m
.
Les assemblées plénières de 1906 et 1907 apparaissent comme des laboratoires
de l'organisation du pouvoir épiscopal. Elles furent autant à usage interne qu'à usage
externe dans cette période de recomposition et de rééquilibrage des relations entre le
pouvoir civil et le pouvoir religieux. Rituels politiques, rituels sacrés, elles devaient
exposer, démontrer les droits de l'épiscopat français tant au sein de l'Eglise que face
au gouvernement de la République. Ce qu'elles donnaient à voir, manifestations
internes et externes, liturgie, secret et protocole se devaient de réconcilier les choses
apparemment inconciliables, la liberté épiscopale et l'obéissance au pape, la loi
française et l'intransigeance romaine, l'union dans la division. La mise en forme de
ces assemblées plénières se devait d'être la représentation de la paix et de l'ordre de
l'Eglise dans ce qui semblait être un chaos : la Séparation.
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