
LA MISE EN SCÈNE DU POUVOIR 261
Comme on s'en souvient, ce pontificat fut un des plus brefs de l'histoire de
l'Eglise. Jean-Paul I
er
mourut le mois même de son « couronnement » et ses funérailles
eurent lieu le 4 octobre 1978.
Revêtu de sa mitre et de ses ornements liturgiques rouges, il fut mis dans un
cercueil de cyprès blanc marqué d'une croix d'ébène. La Libre Belgique parle d'une
« cérémonie solennelle et simple comme pour Paul vi »
25
.
La mise en place d'une autre représentation sacrale du pouvoir
sous Jean-Paul u
Jean-Paul a est élu le lundi 16 octobre 1978. Comme Jean-Paul I
er
, il est intronisé
en recevant le pallium, mais sans coiffer la tiare
26
.
La crosse traditionnelle est remplacée par une croix d'argent surmontée d'un
crucifix dû à un artiste contemporain. Elle est censée s'apparenter davantage au bâton
pastoral qu'au signe d'autorité. Le pallium a gardé ses symboles (croix noires et
épingles qui le percent) mais a été redessiné dans un style contemporain. Les mitres
et chasubles aussi, tout en gardant les couleurs et symboles liturgiques, ont adopté
des formes et matières neuves. Certaines pièces de la garde-robe du pape ont été
dessinées par le couturier Castelbajac et des objets du culte ont été repensés par le
joaillier Christofle.
Il n'y a plus âeflabelli ni de baldaquins. C'est la fin de l'âge baroque et le début
d'une mise en place d'un rituel plus dépouillé. Les symboles anciens sont restitués
sous une forme neuve et les symboles de l'humilité, par exemple, qui étaient devenus
hermétiques (l'étoupe ou les cendres) sont réactualisés.
Mais le corps du pape garde un caractère sacré : le voir, et si possible le toucher,
est un « must ». Cette nécessité développe les pèlerinages à Rome (vingt millions de
pèlerins en 2000) et les déplacements sur les lieux où se trouve le pape. Les bains de
foule, déjà chers à ses prédécesseurs, se sont multipliés : le pape embrasse les enfants,
les vieux, les malades, les prisonniers.
11
les sanctifie par son contact.
Jean xxni avait été le premier pape à sortir régulièrement du Vatican depuis 1870.
Paul vi avait inauguré les voyages lointains. Jean-Paul u va les multiplier à l'extrême
et les ritualiser en embrassant de manière ostentatoire le sol qu'il va fouler.
La glossolalie est de rigueur. Le pape n'est plus celui qui parle le latin, il doit
parler toutes les langues. U participe en outre aux actes de repentance qui sont
également devenus un « must » de la génération politique de la fin du xx* siècle. A
la suite de Willy Brandt, s'agenouillant en 1970 devant le mémorial à la révolte du
ghetto de Varsovie, les excuses publiques sont à l'ordre du jour, marques de regrets
présentées pour le mal causé dans le passé par leurs prédécesseurs. Le pape n'a pas
manqué de se joindre à cette vague de reconnaissance des responsabilités passées.
Il
doit en outre s'offrir
à
la
vue de
tous,
ce
que
révèle
le
passage
à
la
«
papamobiîe »,
même s'il a aussi une Lancia blindée et décapotable
27
. Comme Paul vi, avant lui,
avait une Mercedes qui le mettait bien en valeur
28
. Le pape n'est plus au-dessus de
la condition humaine par ses pompes, sa majesté, son caractère auguste, mais bien via
un autre sacré qui est dépouillement angélique.
L'image du saint, pour notre époque, est celle de l'humilité, repensée par des
signes compréhensibles par nos contemporains. Cette image médiatique du pape est
Comentarios a estos manuales