
LE SÉMINAIRE DE BRUXELLES 17
« Vœu du roi » Louis xvi au port de l'insigne par les Vendéens, le Cœur de Jésus
devient une icône de résistance autour de laquelle s'organise une croisade expiatoire :
ses temps forts seront l'édification du sanctuaire du Sacré-Cœur de Montmartre, et
l'étonnant mouvement des cordiphores pendant la première guerre mondiale
32
. Le
recours à l'image du Sacré-Cœur implique donc une remémoration active fournissant
le prétexte d'un culte national C'est ce que révèlent également les cérémonies de
clôture des assemblées plénières de 1906-1907, dont Hervé Yannou examine dans le
détail la préparation et le déroulement. Expression de la volonté d'un corps - celui
des évêques de France - d'organiser l'Eglise post-concordataire, elles se sont situées
à l'articulation des sphères d'intérêt contradictoires: celle du corps épiscopal, divisé
sur l'attitude à adopter vis-à-vis du pouvoir pontifical ; celle de Rome, soucieuse de
marquer l'unité de l'Eglise devant la nouvelle législation de la république. Hervé
Yannou, sur la base d'une importante documentation en provenance des archives
françaises et romaines, étudie les éléments les plus concrets - le lieu (central, Paris,
au siège de l'archevêché, ensuite au château de la Muette), le décor, les vêtements,
etc.
- susceptibles de concourir à la construction d'une image « harmonieuse » de
l'épiscopat français, désireux d'exprimer à la fois sa soumission au Saint-Siège et
son appartenance à la nation française. La dominante de théologie politique n'en est
pas absente, comme le montre la tenue des cérémonies à la basilique du Sacré-Cœur
de Montmartre et à Notre-Dame de Paris, lieux de pérennité de la France chrétienne ;
lieux de consécration de la France catholique au Cœur du Christ, « qui aime les
Francs ».
L'anthropologie culturelle du catholicisme intransigeant est manifestement
travaillée en profondeur par la recherche d'une iconographie fédératrice, voire
consensuelle, qu'Emmanuel Godo retrouve dans la manière dont est traitée, par
Barrés - très préoccupé par les rites en général -, l'image de Jeanne d'Arc, figure
emblématique du nationalisme, comme réalisation de l'individualité dans la
communauté, icône proposée à l'identification des familles spirituelles de la France.
Qui dit instrumentalisation dit bien souvent réseaux. Réseau autour de la
production d'Athalie (1691), qui soutient, constate Fabrice Preyat, « la représentation
comme pouvoir et le pouvoir comme représentation ». La pièce se veut une véritable
tragédie chrétienne - inspirée du livre
des
Rois -
disant,
avec la férocité des révolutions
d'Israël, le drame mystérieux de la Rédemption et la puissance de Dieu, relayée par
la prophétie de Joad qui fait comprendre comment le Grand-Prêtre, en restaurant le
trône de David, travaille à l'avènement du Messie. Au-delà de paradigmes spécifiques
- l'idée de l'Eliacin, l'inscription éventuelle du sujet dans un contexte « jacobite »
qui ont autorisé une sorte de lecture « légitimiste » de l'œuvre
33
-
F.
Preyat réussit
à en rattacher le projet idéologique à la stratégie d'ensemble menée, autour du roi,
par les membres d'une intelligentsia chrétienne proche des sphères du Pouvoir, qui
constituaient le « Petit Concile », préoccupé d'arrimer l'imaginaire absolutiste à des
ancrages providentialistes.
Réseau encore, dans la fascinante mise en place des duos mystiques, qu'étudie
le père Benoist dans son article sur les liens rattachant mystique et politique au
xix* siècle. L'analyse affine, à travers une série de « donnés à voir » singuliers que
l'auteur nomme joliment tableautins, la perception que nous avons de l'histoire de la
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