
152 LA SACRALISATION DU POUVOIR
extérieur la transforma même en une véritable « cause jésuite
».
Une fois sortie de son
cadre «visitationniste», elle reçut des appuis extérieurs, et commença à bénéficier
d'un grand succès populaire, servi par la diffusion d'une iconographie adéquate.
Une icône de résistance
Sous le règne suivant, le message semble avoir été occulté, malgré l'intérêt - à
vrai dire, confidentiel - de certains membres de la famille royale, qui devait alimenter
le thème des œuvres chrétiennes de la famille royale de France
42
. On citait des
exemples de piété royale : la reine Marie Leszcynska, confite en dévotion ; Madame
Louise de France (1737-1787), huitième fille de Louis xv, que son neveu Louis xvi
surnommait «L'Ange tutélaire de la France» et qui s'enferma au Carmel de Saint-
Denis où elle mourut sous le nom de sœur Thérèse de Saint-Augustin
43
; les sœurs
du
roi,
Marie-Clotilde (1759-1802), reine de Sardaigne, déclarée Vénérable par Pie vu
en 1808 ; Madame Elisabeth, qui subit le martyre comme son frère en 1794. Et, bien
sûr, Louis xvi lui-même, dont la mort dramatique inspira un projet de béatification
appuyé à Rome par le milieu émigré intransigeant
44
. La cause du souverain ressurgit
périodiquement pendant tout le
XIX
e
siècle comme une sorte de
«
devoir de mémoire
»
nostalgique dans les cercles intransigeants, qui furent à la source de toute une
hagiographie royaliste obsédée par l'image du martyre.
C'est sur cette toile de fond que se serait déroulé un autre événement
spectaculaire de cette trame politico-surnaturelle : le Vœu du roi ; une prière et un
serment par lesquels Louis xvi aurait promis, en 1792, alors qu'il était prisonnier au
Temple, de consacrer la France au Sacré-Cœur
45
. On s'accorde à estimer que l'idée
venait du père François-Louis Hébert (1735-1792), supérieur général des Eudistes
et confesseur du roi Louis xvi, massacré au couvent des Carmes en septembre 1792
et, pour cette raison, béatifié avec cent quarante et une autres victimes par Pie xi en
1926
46
. L'authenticité du Vœu a été contestée
47
, mais l'important est qu'Hébert
a manifestement joué un rôle décisif dans la diffusion du Vœu, qui devint ensuite,
notamment sous la Restauration, un texte de référence sous le titre significatif Le Salut
de la France, maintes fois réédité à partir de 1814.
Ce document a toutefois joué un rôle bien moins important qu'une foule d'images
de piété censées garantir à leur détenteur une protection particulière. Ici apparaît
évidemment dans toute son ampleur la dimension anthropologique
:
le cœur devient
un véritable talisman. Au témoignage d'un prédicateur de la Cour, «(...) ce qu'il y
avait de plus grand en France en était muni
»,
notamment la Reine qui, après la mort
de son mari, le 20 avril 1793, se vit confisquer par ses geôliers du Temple « un sacré
cœur de Jésus et une prière pour la France »
48
. Des dizaines de milliers de scapulaires
furent distribués. Les Révolutions de Paris firent état de la découverte, sur certains
cadavres des victimes de septembre, de talismans ornés d'un symbole censé garantir
la sécurité de leurs détenteurs...
49
. Bientôt, les Vendéens - et notamment les chefs
de l'armée catholique et royale, La Rochejacquelein, Cathelineau, etc. - portèrent
le Sacré-Cœur sur la poitrine, comme un symbole du refus de la France régicide
et déicide. La connotation théologico-politique du Cœur vendéen est évidemment
très forte : on porte le cœur sur soi, de façon publique, ostentatoire et, bien entendu,
dans une intention propagandiste, car on espère, par ce signe, rallier les autres. Il fut
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