
LES FUNÉRAILLES ROYALES CAROLINGIENNES 49
elle se révèle essentielle à la légitimation de l'Empire carolingien. Sur ce point, des
conceptions idéologiques différentes sous-tendent le choix des sarcophages utilisés
pour contenir les corps de ces Carolingiens
;
probablement fait avec soin, il accorde
une signification forte à l'iconographie
56
. Janet Nelson a développé une explication
« de genre » pour ce choix et a mis en évidence de possibles mises en valeur du
rôle des femmes
57
. Plus récemment, j'en ai proposé une autre qui reflète diverses
options culturelles de la Renaissance carolingienne
5g
: passé récupéré sans danger
pour le Salut (Carloman), passé a priori « connoté » (puisque païen) nécessitant une
explication et une réinterprétation (Charlemagne), exaltation d'un passé sélectionné
(Louis le Pieux), passé désincarné utilisé seulement comme référence idéologique
lointaine (Charles le Chauve ou Louis le Germanique).
Matériel funéraire déposé dans le sarcophage
On le sait, la tendance générale dans les funérailles du Haut Moyen Age est
à l'abandon du matériel funéraire qui, à l'époque mérovingienne, pouvait être
extrêmement abondant dans les tombes des souverains ou des membres des familles
aristocratiques
59
. Pour les sépultures royales carolingiennes, nos informations sont
minces. Mais le cas du roi Pépin enterré face contre terre avec une petite croix sous
la bouche est intéressant
60
. Et si l'on en croit Thietmar de Mersebourg décrivant
l'ouverture de la tombe de Charlemagne le jour de Pentecôte de l'an 1000
61
,
l'empereur avait seulement une petite croix d'or autour du cou
62
. D'autres récits de
cette ouverture de tombe, plus tardifs (chronique d'Adémar de Chabannes
;
chronique
de Novalèse), font état d'un abondant mobilier, mais ils sont légendaires
63
.
Quoi qu'il en soit, il apparaît que les premiers rois carolingiens n'ont pas été
enterrés dans des vêtements somptueux ou accompagnés des symboles de leur
fonction (couronne, épée, sceptre, etc.)
M
.
Quelques éléments de synthèse ?
Dans mon article de 1991 consacré à Charlemagne
6
\ j'avais mis en évidence,
sur la base de l'étude des dossiers individuels des premiers Carolingiens, les traits
suivants qui, me semblait-il, différenciaient les funérailles royales carolingiennes
de celles des empereurs byzantins des vuf et rx* siècles
:
« aucun rituel sophistiqué,
aucune église-nécropole dynastique, des tombeaux relativement discrets qui ne font
pas l'objet de commémorations attentives, une préparation sommaire des corps, des
vêtements sinon modestes, au moins dépourvus de tout insigne du pouvoir ».
Ces considérations, essentiellement basées sur les cas de Charlemagne et,
dans une moindre mesure, de Pépin le
Bref,
montrent un contraste très net avec les
empereurs de l'Empire romain d'Orient
66
. Je voudrais les reprendre, en répondant
brièvement aux objections qui m'ont été faites.
En ce qui concerne le rituel, il est vrai que les sources écrites mentionnent,
en termes généraux, les funérailles grandioses de Louis le Pieux et de Louis le
Germanique
67
, mais on ne peut évacuer la constatation que Charlemagne, premier
empereur romain d'Occident après plus de trois siècles de vacance de cette fonction
romaine prestigieuse, fut enterré le jour même de son décès
:
aucune exposition du
corps,
aucune annonce officielle, absence de tout visiteur important ou d'ambassadeur,
Comentarios a estos manuales