
24 LA SACRALISATION DU POUVOIR
du parti grec d'Isidorôs, Dionysios, Lampion, et autres sbires. Il semble bel et bien
que créer des troubles faisait partie de sa stratégie désespérée.
Comme souvent dans l'histoire de l'Empire, des luttes d'influence sournoise entre
les patriciens et leurs clients devaient présider à la destinée de toute une communauté
prise en otage au cours de luttes opposant des clans rivaux attachés à la famille
impériale. Conformément aux usages des historiens antiques, Philon procède à une
description des faits qui laisse une large place à la rhétorique, à la symbolique et à la
philosophie.
L'exemple de l'arrivée du roi Agrippa à Alexandrie illustre bien notre propos qui
vise à montrer les enjeux symboliques du conflit. Agrippa était petit-fils du roi Hérode
et avait reçu de Caligula, après la mort de Philippe le Tétrarque (en 37), les revenus
d'un territoire rattaché à la province romaine de Syrie. Il tenait de son grand-père
Antipater le titre de citoyen romain (par Jules César) et le nom « Agrippa » parce
que son grand-père était ami de Marcus Vispanius Agrippa, gendre d'Auguste. Il
était appelé Hérode par les juifs (Actes, 12 (19-21)). Il était considéré comme l'ami
de Caligula et ses détracteurs le qualifiaient volontiers de « professeur du tyran »
(tyrannodidascalos selon Dion Cassius). Il avait été six mois en prison à l'époque
de Tibère parce qu'il avait osé appeler par un vœu la mort de l'empereur lors d'un
banquet.
Une anti-symbolique
Avec Agrippa, c'est donc un personnage fort discutable qui arrive à Alexandrie
et qui va être raillé par la population. Les propos de Philon fort engagés contre la
population grecque d'Alexandrie ne reflètent pas ces considérations historiques. Les
propos qui suivent réduisent à la sphère du psychologique des faits politiques plus
complexes tronqués par notre auteur :
Seulement, les gens d'Alexandrie piqués de jalousie, firent un éclat - qui dit
Egyptien dit malveillant -
;
ils considéraient l'heureuse fortune des autres comme un
malheur pour eux-mêmes
;
et
aussi,
leur vieille
haine,
pour
ainsi
dire innée, envers les
Juifs,
les faisait s'irriter de ce qu'un juif fût devenu roi, autant que si chacun d'eux
s'était vu arracher une royauté qu'il eût tenue de ses ancêtres
(In
Flaccum,
29, trad.
A. Pelletier).
L'arrivé d'Agrippa à Alexandrie, son cortège brillant, les pompes et fastes qui
entourèrent sa venue, furent l'objet de scènes de dérision. L'épisode de Carabas est à
intégrer dans ce contexte et à relire à l'aune des faits brièvement énoncés ci-dessus.
Au-delà de la duplicité de Flaccus qui feignit une amitié sincère avec Agrippa tout en
protégeant les fauteurs de troubles, il faut comprendre ces scènes dans un contexte
historique qui échappe largement à Philon attendu qu'il devait en ignorer le tragique
dénouement à la fin du premier siècle de notre ère.
(...) les gens passaient
leurs
journées au gymnase, à tourner le roi (Agrippa) en
dérision, à grand renfort de sarcasmes. Se mettant sans doute à l'école d'auteurs de
mimes et
de
bouffonneries,
ils
montraient bien
leur
talent
pour la
bassesse,
lents qu'ils
sont à assimiler le bien, mais exceptionnellement prompts et doués pour apprendre le
contraire
(In
Flaccum,
34,
trad.
A.
Pelletier).
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