
LE TRIOMPHALISME CATHOLIQUE 251
Cités,
dont saint Augustin se fera le grand dramaturge dans La Cité de Dieu. C'est
le lieu du triomphe de saint Michel archange terrassant le démon, Lucifer, ou de la
vérité victorieuse de l'hérésie et, à l'âge baroque, de la foi terrassant l'Incrédulité.
Et à l'heure de la grande épreuve -la Révolution française-, en 1799, dom Maur
Cappellari, le futur pape Grégoire xvi (celui qui condamnera Lamennais et le
libéralisme catholique), publie un gros ouvrage de cinq cents pages ; Le Triomphe
de l 'Eglise et du Saint-Siège sur les novateurs. Etonnant exemple d'inconscience ou
magnifique témoignage de foi et d'espérance dans un temps d'épreuve.
Le Concordat en 1801, rétablissant le culte catholique en France, et le traité
de Vienne en 1815, restaurant les Etats pontificaux avec le titre nouveau de pape-
roi,
apporteront leur caution à la vision historique du moine bénédictin, troisième
successeur de Pie
VII
en
1831.
Toute l'histoire de la papauté jusqu'à Vatican n restera
inspirée par cette vision. Il suffit d'évoquer ici le Syllabus de Pieix (1864), Yordo
futurus rerum - une société de nouveau chrétienne - de Léon xm, la devise de Pie x,
omnia instaurare in Christo, le Christ roi des nations de Pie xi, l'enseignement
encyclopédique de Pie xn, l'Eglise mère et maîtresse - Mater et magistra, selon la
vieille formule médiévale - de Jean xxin.
Et voilà que tout a basculé pendant le Concile, sans pourtant s'écrouler, notons-
le bien. Vatican n est vécu par ceux qui l'ont fait comme «une nouvelle Pentecôte».
L'espérance chrétienne en sort décuplée, rajeunie, mais avec un horizon transformé :
une Eglise «servante et pauvre». La Révolution française avait inauguré pour elle
un âge nouveau que Miguel de Unamuno avait caractérisé en 1925 comme l'agonie
du christianisme au double sens du mot, repris en 1946 par Emmanuel Mounier
5
.
Le Concile est un moment de cette agonie : à la cérémonie de clôture, le 7 décembre
1965,
Paul vi évoquera le choc de l'humanisme chrétien avec «l'humanisme laïque et
profane dans sa terrible stature
».
Mais l'attente du triomphe cesse d'apparaître comme
la voie royale de l'espérance historique : il est désormais connoté négativement sous
le nom de triomphalisme.
Un nouvel esprit et une nouvelle consigne s'imposent désormais (partout et
sous les mêmes formes, c'est ce qui appelle une enquête) : le triomphe final ressort
de l'eschatologie, mais tout sentiment comme tout signe de triomphe apparaissent
comme des contre-témoignages. Paul vi donne l'exemple : il dépose la tiare ; il
renonce à la sedia gestatoria (la «papa mobile» répond à de tout autres besoins)
comme les cardinaux à la cappa magna. A Paris, le cardinal Marty vendra le mobilier
historique de l'archevêché et réduit son rôle public. Dans les églises, bien des curés
font un ménage analogue. L'heure est à «l'enfouissement».
En ces années-là, un vent de révolution a soufflé en tempête sur l'Eglise
catholique. Puis, le calme est revenu, un équilibre
s'est
établi, mais rien n'était plus
comme avant. Sans doute, la perception du triomphalisme varie selon l'observateur.
Entre une sensibilité française et une sensibilité italienne, il y a souvent la distance
du classique au baroque. Henri Marrou et Alphonse Ehipront avaient été ensemble
membres de l'Ecole française de Rome : l'un détestait la baroque, le second l'adorait.
Le Journal du P. Congar montre comment il a mal supporté son premier voyage à
Rome au lendemain de la dernière guerre. On peut être ultramontain et se professer
catholique romain en ignorant à peu près tout de Rome et en nourrissant un fort
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