
120 LA SACRALISATION DU POUVOIR
conduire son peuple vers la lumière nouvelle. Il est l'archétype du rabbin, le symbole
de l'autorité religieuse.
Les Tables de la
Loi
jouent quant à elles un rôle fondamental dans l'iconographie
du Sanhédrin. Elles apparaissent déjà dans la convocation au Grand Sanhédrin émise
par l'Assemblée des notables en octobre 1806: sur le cachet figure l'aigle impérial
tenant entre ses serres les Tables de la Loi. Elles font référence à la loi avant tout
particularisme, servent depuis 1789, notamment, de cadre décoratif à la déclaration
des droits de l'homme et du citoyen et aux allégories de la Liberté, et font partie
intégrante de l'arsenal iconographique révolutionnaire
71
. Renée Neher-Bernheim,
dans l'analyse très fine de cette gravure, montre les variations sur lesquelles joue
Napoléon ici: l'ancienne loi et la nouvelle; l'ancien et le nouveau Moïse.
Napoléon apparaît en longue robe, manteau drapé
;
il est ceint d'une couronne
de lauriers à l'instar d'un empereur romain. Il se détache sur fond de draperies et de
tableau à l'antique
:
à droite, le paysage se clôt par une montagne élevée qui semble
évoquer le mont Sinaï. Plus avant, des objets de culte du tabernacle
portatif,
une
menorah (chandelier à sept branches) un encensoir et une aiguière. A la droite de
Napoléon, outre celui dont on a déjà parlé, quatre hommes dont deux agenouillés aux
pieds de l'Empereur.
A sa droite, un vieillard prosterné, dans l'attitude d'une profonde adoration et
une femme qui, avec l'homme en noir et Napoléon, constitue le troisième personnage
de premier plan de cette gravure. Assise par terre, en posture d'humiliation, elle tend
sa main droite à l'Empereur pour être relevée par lui. De la main gauche, elle laisse
choir une lourde chaîne, tout en soutenant péniblement les Tables de la Loi qui gisent
en partie à terre. Ces tables ont une forme classique, arrondies et d'un seul tenant
n
.
Allégorie du judaïsme, cette femme affaissée contre le tabernacle qui porte la statue
du lion de Juda, allusion à la gloire passée du peuple
juif,
fait penser à une fille de Sion
marquée par la douleur de l'exil, un thème récurrent dans la culture française depuis
YEsther de Racine. Mais son corsage à la Récamier montre qu'elle est aussi une fille
de Sion d'aujourd'hui, que Napoléon va relever et régénérer
n
.
Napoléon, personnage central de la gravure, tient dans les bras, tel un nouveau
Moïse, les Tables de la Loi, tout autres que celles de la femme agenouillée. De forme
rectangulaire, elles comportent l'inscription: «Loix données à Moïse». Leur forme
peu usuelle suggère que l'ancienne Loi, symbolisée par les Tables gisant à terre, soit
désormais dépassée.
Sur la médaille frappée en l'honneur de la convocation de l'Assemblée des
notables, citée plus haut, la face, qui est anodine, a été gravée par Dominique-Vivant
Denon (dit Vivant-Denon), lequel a accompagné l'Empereur en Orient. Le revers est
d'Augustin Dupré et présente beaucoup plus d'intérêt
:
Napoléon y apparaît dans le
même costume d'apparat que dans la gravure de Couché. Il tient dans les bras les
Tables de la Loi. Face à lui, un vieillard agenouillé, symbolisant sans doute à la fois
Moïse mais aussi le peuple juif dans sa millénaire longévité
74
. Inspiré par le Moïse
de Michel-Ange, il tend une main quémandeuse vers les Tables de la Loi que retient
Napoléon.
L'Empereur est donc présent partout, soit en symbole (l'aigle), soit en buste (lors
de la cérémonie inaugurale du Sanhédrin) soit en personne (la gravure de Couché et
Comentarios a estos manuales