
82 LA SACRALISATION DU POUVOIR
le même temps sur la détermination d'une éthique de l'écrivain ou l'utilité sociale
de l'auteur et des arts. La récupération du genre épique ne devait pas non plus se
faire attendre. En 1697, Ch. Perrault donna ainsi une version moderne, en vers, de la
Genèse dans Adam ou la création de l'homme après avoir publié, quatre ans avant la
rédaction d'Athalie, en incipiî à son Saint Paulin de Noie (1686) - qui mettait déjà en
scène un évêque exemplaire -, une épîrre dédicacée à l'évêque de Meaux et ornée de
ses armes. Celle-ci constituerait le véritable manifeste des ambitions conciliaires sur
le champ littéraire :
(...) Monseigneur, ce sont les louanges qu'il vous plût de donner à mon Epistre en
vers sur la Pénitence ; & le désir que vous témoignastes en la lisant, de voir la Poésie
Françoise s'occuper sur des sujets semblables, qui m'ont porté à l'entreprendre ;
dans la pensée que mon exemple pourroit peut-estre exciter les Maistres de l'Art à
consacrer leurs veilles à ces sortes d'ouvrages, & vous donner ainsi une pleine &
entière satisfaction. (...)
Le
Ciel,
la
Terre,
les Enfers,
les
Anges,
les Démons
&
Celuy
mesme qui a donné l'estre à toutes ces choses, peuvent estre le digne objet de leurs
travaux & de leurs veilles (...). Il suffit que la gloire de Dieu soit le but principal
de tout ouvrage, & qu'il s'y mesle de temps en temps de certains traits de piété qui
flattent le cœur et qui l'émeuvent
18
.
Enfin,
dans
un troisième
temps,
le Petit Concile ne pouvait esquiver la récupération
des préceptorats princiers qui incarnait sans aucun doute le moyen d'accès le plus
rapide et le plus aisé au mécénat royal. La presque totalité des ouvrages du cénacle
fut en effet rédigée selon une optique pédagogique ou didactique qui lui permettait
d'être entièrement financée par le roi. Il ne restait aux amis de Bossuet, pour satisfaire
ce programme, qu'à s'adjuger l'ensemble des postes éducatifs, afin de s'échanger les
contenus et méthodes arrêtés par Bossuet. Force est de constater que cette démarche
s'était déjà largement concrétisée lorsque Racine rédigeait Athalie. Une fois Bossuet
entré au service du dauphin en 1670, les nominations se suivirent à un rythme régulier.
G. de Cordemoy, à l'instigation de l'évêque de Condom, fut nommé lecteur du prince,
poste qu'occuperait plus tard Fléchier, tandis que Huet remplit le rôle de sous-
précepteur, charge créée expressément à son intention. J.-B. duTrousset de Valincour,
autre proche du cénacle, ami de Boileau et Racine auquel il succéderait dans la charge
d'historiographe, serait promu précepteur du comte de Toulouse, enfant naturel de
Louis xrv, par ces mêmes personnalités du Petit Concile. Claude Fleury prendrait en
charge la pédagogie du prince de Conti et du comte de Vermandois avant d'assister
puis de succéder à Fénelon auprès des enfants de France. La Bruyère hériterait quant
à lui de l'instruction du petit-fils du Grand Condé, futur duc d'Enghien. Ces élections
n'épargnèrent pas plus les préceptorats féminins puisque l'on retrouverait Ch.-Cl.
Genest, en 1684, au chevet de la future duchesse d'Orléans
19
.
Agir sur la réformation du royaume par l'entremise de celle de la cour, c'était
s'en assurer la maîtrise. A la fin des années 1680, c'était à présent chose faite pour le
cénacle. Toutes les cours princières comptaient en leur sein au moins un membre du
Petit Concile, qui, par ses prérogatives pédagogiques, ses responsabilités politiques
ou religieuses voire ses prétentions artistiques, pouvait espérer orienter leur moralité
ou les lignes directrices de leur comportement social ou politique.
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