
GALLICANISME ET TRAGÉDIE 79
dans la dépendance de Bossuet » en mettant au jour une série de parallèles stylistiques
intéressants, eux-mêmes reliés à la conception de l'histoire développée au fil des
pages du Discours sur l'histoire universelle (1681). Elle pouvait ainsi conclure de ces
emprunts que :
(...) l'expérience de Bossuet fortifiait en Racine son sentiment de la
Némésis
et
l'influence du style biblique
;
et la théologie sous-jacente de l'histoire donne plus de
force à l'imprécation de Joad contre Athalie et Mathan. (...) « Le public ne sait pas
son
Histoire
Universelle,..
» S'il la savait davantage, il sentirait mieux qu'un univers,
intellectuel et moral, commun à Racine et à Bossuet, est mal dénommé janséniste
(...). Effrayé par
le
poète,
c'est
au
théologien
que le
public,
s'il lisait encore Y Histoire
Universelle,
irait demander l'humanité
7
.
Bien qu'elle progressât et qu'elle
se
contraignît à rappeler systématiquement
le
mécénat
du roi et de M
me
de Maintenon, la critique restait toujours muette sur l'implication
d'institutions corrélatives à toute organisation d'un mécénat
d'Etat.
Aucune réponse
satisfaisante ne fut jamais avancée en regard des
trois pôles
fondamentaux caractérisant
une telle organisation : impulsion, protection et fondation
8
. La critique racinienne
accusa par là le manque patent
d'une
conceptualisation du mécénat religieux français
et souffrit directement de la marginalisation des sources religieuses. Il fallut attendre
les développements historiographiques, induits dès l'aube des années 1980, qui
permirent de démystifier le pendant profane de ce mécénat, pour que cette conception
sclérosée s'estompe légèrement. Les travaux de L. Marin et de J.-M. Apostolidès
9
ouvrirent une brèche considérable dans L'histoire des représentations politiques
de la France classique. La représentation comme pouvoir et le pouvoir comme
représentation émergeaient ainsi l'un et l'autre sous la forme d'un « sacrement dans
l'image et d'un monument dans le langage » laissant éclater au grand jour
l'idée
d'une
nation pensée et construite à travers la mystification symbolique du corps du roi. Le
renouveau des études sur le mécénat louis-quatorzien pouvait ainsi
s'opérer
sous
l'égide de N. Ferrier-Caverivière, M. Couvreur ou P. Burke
10
. L'examen d'Athalie
ne pouvait rester étranger à cette déconstruction des pratiques de représentation, pas
plus qu'à la réhistoricisation du champ littéraire ni à l'attention plus vive portée par
la sociologie aux phénomènes de réception ". En
1992,
pouvait paraître, à Bruxelles,
une Athalie. Racine et la tragédie biblique
n
rouvrant bien des dossiers consacrés à
la dramaturgie du poète classique, à ses prédilections en matière d'exégèse biblique,
sans délaisser le contexte musical contemporain ou la carrière scénique de la tragédie
jusqu'au XX
e
siècle.
C'est
dans cette mouvance que nous entendons intégrer cet
exposé en découvrant, à travers les ambitions du Petit Concile de Bossuet, une
part des instances organiques du mécénat religieux dans leur lien fondamental avec
l'affirmation des principes de théologie politique forgeant l'imaginaire absolutiste
de la fin du Grand Siècle. Nous nous attarderons ici sur la dimension pédagogique
de la tragédie, inséparable des inflexions données aux dithyrambes royalistes, avant
d'aborder la dimension théologique de
La
pièce, fruit des crispations politiques entre
les cours de Rome et de Versailles, durant une époque primordiale pour l'affirmation
des prérogatives de l'Eglise de France.
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