
GALLICANISME ET TRAGÉDIE 83
L'allusion de Racine était donc loin d'être innocente et se comprend mieux encore
lorsque l'on peut y lire certainement l'une des raisons de la prédilection de l'auteur
pour le thème biblique. Le tragédien avait pu trouver une évocation de sa dimension
pédagogique dans VHistoire du
Vieux
et du Nouveau Testament de I. Lemaistre de
Sacy qui présentait, en 1670, l'exemple d'Athalie comme un fabuleux morceau
d'anthologie propre à enseigner aux rois l'attachement qu'ils doivent à la doctrine
de l'Eglise. Ce dernier fournissait également l'un des topoi de la restauration de
l'héritier légitime. Sacy et Racine pouvaient cependant se rejoindre dans une tout
autre intention. L'année 1670 était précisément celle qui avait salué l'accession
de Bossuet, devenu évêque, au poste de précepteur du dauphin. L'insistance sur le
livre des Rois permettait ainsi à Sacy de faire sa cour en se conformant visiblement
aux identifications véhiculées par les chantres du régime. Le choix résolu par le roi
de privilégier un évêque pour la tâche du préceptorat avait en effet suscité très tôt
l'intérêt du pape Clément rx, parrain du jeune enfant royal. Dévoué à la cause de la
France, il avait chargé un religieux franciscain, Léon Bacoue, de répandre ses vues
dans une poésie
latine,
justifiée lors de la nomination de Bossuet par un second poème
intitulé Deiphinus, seu de prima principis institutione
20
. Plusieurs fois réimprimé en
compagnie d'œuvres dédicacées au duc de Montausier, gouverneur du dauphin, puis à
Bossuet, celui-ci soulignait tous les avantages d'une éducation prodiguée par un saint
homme, élevé à la dignité ecclésiastique la plus haute. Il devait le faire en rappelant les
développements de Y Ancien
Testament
sous les figures du jeune roi Joas et du grand
prêtre Joad. Si l'on ajoute à cet élément que Léon Bacoue était d'origine calviniste et
avait abjuré l'hérésie avant de faire profession parmi les récollets, d'où il fut tiré en
1672,
pour être nommé évêque de Glandève puis de Pamiers, à la recommandation
de Montausier, et qu'il fut par ailleurs le seul huguenot converti qui soit parvenu à
la fonction épiscopale sous le règne de Louis xrv, Ton comprend à la fois le poids de
son intervention littéraire et l'opportunité d'y faire référence, en 1690, à la suite du
Saint Paulin de Perrault qui consacrait la politique pratiquée à l'égard des nouveaux
convertis
21
.
Les allusions à l'éducation du dauphin et aux développements réalisés par le Petit
Concile devaient dès lors faire florès dans le cadre éducatif de Saint-Cyr. La Lettre
à Innocent xi de Bossuet communiquée au pape en 1679, ne relevait-elle pas elle
aussi l'insistance sur les devoirs des souverains à travers l'évocation des histoires de
Y Ancien Testament au sein desquelles le livre des Rois - conformément aux travaux
d'exégèse littérale du cénacle - avait été préféré ?
Après avoir lu plusieurs fois l'Evangile, nous avons lu Les histoires du Vieux
Testament, et principalement celle des Rois
:
où nous remarquions que c'est sur les
rois que Dieu exerce
ses
plus terribles vengeances (...)
22
.
La première référence publiée, aisément disponible pour Racine, devait tout
naturellement être celle du Discours sur l'histoire universelle. Volet de l'éducation
religieuse, politique, philosophique et historique du dauphin, elle rattachait presque
à chaque époque, chaque règne et événement critique, une maxime applicable à
une réalité française qui n'échappait pas non plus à cette vision globalisante et
providentielle. Sa narration s'était particulièrement attardée, elle aussi, sur les
passages du livre des Rois pour en souligner logiquement les mêmes leçons morales
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