
84 LA SACRALISATION DU POUVOIR
et religieuses que Sacy
23
. Les mœurs des Israélites de l'abbé Claude Fleury, publié
la même année, joua un rôle prépondérant dans les recherches hébraïques du
tragédien
24
. Cet opuscule mentionnait à son tour les mêmes éléments pédagogiques
qui,
liés aux reconstructions primitivistes, devaient encore indiquer à Racine la
richesse d'un traitement figuriste du passage d'Athalie, en parfait accord avec l'office
assigné par le Petit Concile à la littérature :
Les Israélites étoient les seuls, chez qui on ne racontoit aux enfants que des vérités
propres à leur inspirer la crainte et l'amour
de
Dieu,
&
à les exciter à la vertu
:
toutes
leurs traditions étoient nobles et
utiles.
Ce n'est pas qu'outre les simples narrations,
ils n'emploiassent aussi des paraboles & des énigmes pour
enseigner
les vérités
importantes,
et
particulièrement
de
morale.
(...) Ils usoient aussi des fables à la
manière d'Esope, dont la
fiction
est
si
manifeste
qu'elle ne peut tromper personne :
nous en avons deux exemples dans
l'Ecriture
;
celle
de
Joathan
fils
de
Gedeon,
& celle
de Joas roi
d'Israël.
Mais
le
principal usage des allégories & du discours
figuré,
étoit
de renfermer les maximes de
morale,
sous des images agréables &
en peu de paroles,
afin que les enfans les
retinssent plus
aisément
(...)
25
.
La Politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte, restée manuscrite du vivant
de Bossuet, ne cesserait quant à elle de circuler parmi les différents préceptorats
princiers. Elle renchérirait sur le Discours sur l'histoire universelle en détaillant ou en
reprenant de façon pratique la foule de précautions qui devaient entourer l'exercice
de la puissance des rois. Outre des allusions identiques consacrées au lieu commun
des mauvais conseillers
26
, l'influence du Petit Concile sur Racine se marquait par
le rapprochement aisé que l'on put faire entre Joas et Roboam. Cette figure biblique
présentait en effet l'avantage de satisfaire dans le même temps l'idéal primitiviste et
gérontocratique du groupe tout en mettant sur pied un modèle pédagogique définissant
l'orientation de l'activité intellectuelle, destinée à lutter contre l'idolâtrie :
(...) à mesure qu'on s'éloignait de l'origine des choses, les hommes brouillaient
les idées qu'ils avaient reçues de leurs ancêtres
:
les enfants indociles ou mal appris
n'en voulaient plus croire leurs grands-pères décrépits, (...) le sens humain abruti
ne pouvait plus s'élever aux choses intellectuelles ; et, les hommes ne voulant plus
adorer
que
ce qu'ils voyaient, l'idolâtrie se répandait par tout l'univers
27
.
F.-X. Cuche
s'est
attaché à relever les occurrences de ce thème dans le corpus du
Concile pour constater son omniprésence depuis Les mœurs des Israélites ou le
Catéchisme historique de Fleury jusqu'à la Politique de Bossuet en passant par le
Discours sur l'histoire universelle ou la déformation des traits du personnage sous le
nom de Bocchoris dans le Télémaque. Toutes convergeaient vers la même affirmation
pessimiste :
La jeunesse
n'est propre qu'au mouvement & à l'action
;
la vieillesse sçait instruire,
conseiller & commander. (...) Toutes les histoires font foi, que les états les mieux
gouvernés, ont
été
ceux
où les
vieillards ont eu
la principale
autorité,
&
que
les
règnes
des
princes trop jeunes ont
été les plus
malheureux. C'est ce que dit le Sage
: Malheur
à la
terre dont
le
Roi
est
un enfant :
& c'est le malheur dont Dieu menace les Juifs,
quand il leur fait dire par
Isaïe,
qu'il leur donnera des enfans pour
princes.
En effet,
la jeunesse n'a ni patience, ni prévoiance
;
elle est ennemie de la
règle,
&
ne cherche
que le plaisir
&
le changement
28
.
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