
212 LA SACRALISATION DU POUVOIR
Les évêques allaient prendre place, selon leur ordre de dignité, dans les stalles du
chœur. Mais la cérémonie renoua avec la pompe liturgique
78
.
Le cortège des évêques fut ouvert par les massiers
79
, symbole du pouvoir
des prélats, qui précédaient les chanoines du chapitre vêtus d'hermines tels des
magistrats
*°.
Ils étaient suivis des représentants des chapitres des autres diocèses de
France, puis du clergé de la cathédrale en habit de cœur. C'était le clergé de France,
tout entier, qui s'avançait dans Notre-Dame. Le cardinal Lecot entra ensuite le premier
suivi par le cardinal Coullié. Les évêques pénétrèrent enfin en costume de ville avec
leur croix pectorale et leur anneau. Seuls, l'évêque de Montpellier, M? de Cabrières,
l'orateur de la cérémonie, et M^ Ardin, archevêque de Sens et doyen des archevêques
qui devait célébrer la messe, étaient en habits liturgiques. Le cardinal Richard vêtu
de pourpre, accompagné de son coadjuteur M
&
Amette et de ses vicaires, clôturait ce
défilé solennel. Le chœur de chant entonna l'hymne de Y Ave Régina cœlorum. Puis
M
8
"
de Cabrières, évêque royaliste, prit la parole du haut de l'ambon. Le discours d'un
tel prélat donnait toute la portée de la cérémonie, car l'efficacité de la célébration
devait s'appuyer sur un discours qui l'éclairait :
Si Paris est le centre de la vie nationale, Notre-Dame n'est-elle pas le centre de
Paris ?{...) La France chrétienne semblait de Notre-Dame
de
Paris la gardienne des
gloires, et, avec les drapeaux pris à l'ennemi sur
les champs de
Bataille,
Luxembourg
s'en faisait le tapissier
8l
. (...) Notre-Dame a vu des jours de douleur, ses autels
profanés. Après ces jours d'humiliation, Notre-Dame a vu, un 15 août, un cortège
imposant sceller un pacte émouvant entre l'Eglise et l'Etat
82
. Voici une alliance
nouvelle, en une forme inconnue, qui va se faire entre l'Eglise et la France tout
entière.
En ce
lieu,
c'est
une prière
que l'épiscopat
adresse,
la
fille
aînée
de
l'Eglise ne
doit
plus
longtemps contrister le cœur
de
sa mère.
La thématique du discours de l'évêque de Montpellier était la même que celui
d'Amette à Montmartre. Il rappelait la véritable « vocation de la France »
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qui
s'incarnait en
Notre-Dame.
Mais il allait au-delà en appelant à un nouveau pacte entre
l'Eglise et la nation et non plus entre l'Eglise et l'Etat. Une nouvelle fois, comme
sous le Concordat, l'antienne Domine salvamfac RepubUcam fut chantée. Puis les
évêques récitèrent ensemble l'acte de renouvellement du vœu national au Sacré Cœur
de Jésus. Mais ils y ajoutèrent l'acte de consécration de la France au cœur immaculé
de Marie, refuge des pécheurs, rappelant le vœu solennel de Louis xnr en 1638, dans
le lieu même où le roi lui avait voué son royaume. Ils rappelaient ainsi que si la
France était le royaume du Christ, elle était aussi la terre aimée de sa mère. L'appel à
l'intercession de la Vierge ne saurait être anodin, la veille du 8 septembre, fête de sa
nativité. La ferveur mariale était au cœur de la vie spirituelle des catholiques du xrx
6
siècle. La Vierge était alors la « grande consolatrice de la France »
u
. La dévotion se
faisait autour de la femme, de la vierge et de la mère, de la médiatrice entre le ciel et
les hommes. Elle faisait le lien entre le clergé et les fidèles, unissant culture populaire
et culture cléricale. Elle était la métaphore de l'Eglise unie face à la République. Ce
fut une foule de trois à quatre mille personnes, selon la presse
85
, qui salua la sortie
des prélats. Les cloches sonnaient. On cria « Vive le pape
!
».
La cérémonie d'un lustre particulier se voulait raffirmation d'une France
éternellement catholique, dont la force même, comme le démontrait l'histoire, était
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