
LES PANÉGYRISTES JUIFS DE NAPOLÉON I
ER
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la médaille évoquée ci-dessus). Toute la symbolique rappelée ici montre son désir de
rejoindre les splendeurs impériales antiques et d'y baigner les racines de son nouvel
Empire
75
. Il en est ainsi de l'iconographie napoléonienne comme des panégyriques
qu'il suscite et qui correspondent à un genre, adapté aux formes de la prose et de la
poésie juives
76
.
Napoléon ajoute donc, pour conforter la présence de l'Antiquité romaine qui
assure le décor de son pouvoir, une antiquité juive qui a retrouvé certaines lettres
de noblesse. Une Antiquité juive qui caractérise le goût du temps pour l'exotisme
oriental et attache à l'Empereur une partie de la population européenne qui peut et
pourra lui être utile. Ronald Schechter, une fois encore, a bien analysé l'usage de
l'Antiquité et de la référence exotique, orientale
:
« They preserved their oiherness,
and even flaunted it
r
by reconfiguring images of oriental exoticism in such a way
that they associated themseîves with the aura of Napoléon s impérial charisma and
appeared as the very essence ofhis multinational empire»
77
.
En tout état de cause, les juifs sont des instruments d'une valeur symbolique non
négligeable pour promouvoir le besoin de gloire exceptionnelle de l'Empereur. Quant
aux juifs eux-mêmes, ils trouvent une évidente utilité à voir promu et revivifié un
âge d'or qui fait l'impasse sur dix-huit siècles d'exil, de persécution et de corruption
morale - ce qui explique l'ampleur de la référence à l'Antiquité dans le discours
du Grand Sanhédrin et une sorte de restauration symbolique d'un roi des juifs
dont l'histoire les a longtemps privés. Peut-être faut-il dès lors, pour entrer dans la
modernité, passer par le truchement de l'Antiquité?
Conclusions
Le Grand Sanhédrin, en faisant du judaïsme un troisième culte officiel, accroît le
lien à la
patrie.
Ses résolutions forment une sorte de concordat. Le judaïsme français a
affaire à un conciliateur religieux, un déiste, tel qu'il se proclame, qui ne veut favoriser
aucune religion et
se
place au-dessus d'elles. Il accorde un statut aux
juifs,
statut sinon
égal du moins fort honorable par rapport au Concordat signé avec l'Eglise.
En matière de politique de régénération, le cas des juifs est sans doute exemplaire
:
partant du principe généralement admis, même par les intéressés, de la corruption
morale des juifs, les avis variant quant au caractère inné ou historique de cette
dépravation, Napoléon, à l'instar des penseurs du xvnr
5
siècle qui s'y sont intéressés,
ne veut pas seulement les régénérer. Il y voit un cas d'espèce paradigmatique afin
de déterminer comment, de manière générale, de bonnes lois peuvent améliorer
l'homme
78
.
Ronald Schechter, dans une thèse audacieuse mais pertinente, parle du Sanhédrin
comme d'une véritable Simchat
Torah,
une célébration de la loi. A ceci près qu'il ne
s'agit
pas de célébrer la loi divine de la
Torah
mais la loi napoléonienne
79
. La mise
en scène, le fonctionnement et le discours du Grand Sanhédrin le font ressembler à
une cour de justice ou une assemblée législative - Sinzheim, dans son discours de
clôture au Sanhédrin, parlait de ses membres comme de législateurs
80
: l'objectif est
d'interpréter la loi juive, de l'adapter au souhait du Prince et de la fixer de manière
canonique.
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