
SUR LA TERRE DU REMORDS 151
Henri rv, qui avait épousé en 1625 Charles, fils de Jacques I
er
d'Angleterre. Elle fut
victime de la guerre civile qui déchirait son pays et, après l'exécution de son époux,
elle se réfugia en France en 1644. On la présentait volontiers comme une martyre de
la foi, qui avait tenté désespérément de ramener l'Angleterre dans le giron de l'Eglise
catholique. Le monastère de Chaillot témoigne mieux que tout autre de l'étroitesse
des liens qui pouvaient unir la Visitation au monde de la cour. C'était un lieu où
l'interpénétration de deux sociétés, religieuse et laïque, était étroite. La tradition de la
présence royale y était perpétuée par les Visitandines, qui encouragèrent la rumeur de
sainteté flottant autour de la personne de Jacques u, après sa mort en 1701, ainsi que
des bruits sur de prétendus miracles survenus sur son tombeau
34
. Mais ces rumeurs
s'estompèrent après 1703, bien que les religieuses de Chaillot aient toujours cultivé
la conviction que leur bienfaiteur ne pouvait être qu'un saint
35
. Quand Jacques n
avait été détrôné et était reparti pour conquérir l'Irlande, sa femme Marie-Béatrix
d'Esté (1658-1718) - fille du duc de Modène et nièce de Mazarin - s'était placée
sous la protection de Louis xrv. Très estimée de Madame de Maintenon, elle était
extrêmement pieuse et vécut vingt-neuf années d'exil à Saint-Germain-en-Laye
36
,
s'appliquant à fréquenter assidûment le monastère, où ses restes furent ensevelis
en 1718. C'est elle, d'ailleurs, qui écrivit au pape pour demander en faveur des
Visitandines une fête du Sacré-Cœur avec messe propre, ce qui fut accordé en 1697
par la sacrée Congrégation des
Rites.
Or, elle avait eu pour aumônier à Londres le père
Claude de La Colombière (1641-1682), directeur de conscience de Marguerite-Marie,
qui parvint à convaincre la mère de Saumaise de la mission divine de sa protégée
37
.
Par Marie-Béatrix
38
pouvait être touché le père La Chaize (1624-1709), confesseur
du roi, qui exerçait sur le monarque une influence considérable, comme en témoigne
une lettre célèbre à Louis xrv où Fénelon reproche au monarque d'avoir fait de ce
religieux un «ministre d'Etat»
39
.
Mais nous n'avons aucun moyen de vérifier si le confesseur du roi rut informé.
Autour du souverain, les luttes d'influences étaient sévères. Madame de Maintenon
subissait beaucoup l'ascendant des quiétistes et de Madame Guyon qui, elle,
prêchait un Dieu très débonnaire. L'affaire du quiétisme entraîna des troubles, des
rétractations, des condamnations. Dans ces conditions, l'Eglise de France se refusait
à toute nouveauté
ï.
le J 6 mai 1690, quelques mois avant sa mort, la voyante écrit :
«L'on nous dit qiï*à cause de Molinos et du quiétisme, l'on allait toutes défendre les
dévotions nouvelles»
40
. Le père La Chaize était, par ailleurs, hostile à tout excès en
la matière et faisait preuve, sur ce sujet, d'une très grande prudence.
Ce qui est sûr, c'est que les visions de Marguerite-Marie sont intervenues dans un
contexte de crise : en 1689, on se trouve en pleine guerre de la Ligue d'Augsbourg.
Cette dernière ainsi que la révolution d'Angleterre faisaient apparaître un ordre
politique de plus en plus chancelant, au point que Bossuet pensait devoir invoquer
Dieu et demander les prières de saint Denis, protecteur de l'ancienne Gaule, comme
Remy Tétait en particulier de la France
41
.
La visionnaire de Paray-le-Monial mourut le
17
octobre 1690 en odeur de sainteté.
Très tôt, on attribua à son corps des pouvoirs miraculeux, notamment des guérisons
obtenues par l'attouchement d'un objet au cercueil. La dévotion dont elle avait été
l'initiatrice bénéficia de l'appui et de la propagande des jésuites ; son retentissement
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