
Les panégyristes juifs de Napoléon ï
Jean-Philippe SCHREIBER
La scène se passe le 9 février 1807, un samedi, jour de shabbat, dans la chapelle
Saint-Jean, une annexe de l'hôtel de Ville de Paris. D'après une gravure de l'époque,
de la main de Michel-François Damame-Demartrais, un artiste officiel, les colonnes
corinthiennes en pourtour de la chapelle sont garnies de draperies
;
le parquet est
en mosaïque et l'ensemble correspond au style néo-classique en vogue. Pourtant,
malgré ce choix esthétique, l'antiquité dans laquelle cette scène veut s'ancrer n'est
pas grecque ou romaine, mais bien juive, puisqu'il
s'agit
de la séance inaugurale du
Grand Sanhédrin convoqué par Napoléon '.
La chapelle Saint-Jean a été somptueusement aménagée sur les ordres du ministre
de l'Intérieur et du préfet de la Seine. Leur dessein est de donner à l'Assemblée des
notables, qui a précédé la convocation du Grand Sanhédrin, tout l'apparat et l'éclat
nécessaires
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- ce que voulait Napoléon et qui est confirmé par le rapport des trois
commissaires représentant le gouvernement durant les séances.
Suivant l'usage antique du Sanhédrin, la salle a été disposée, diront la plupart
des témoins directs ou indirects de la scène, en demi-cercle - la gravure de Damame-
Demartrais les montre plutôt en U ou demi-rectangle, mais elle ne semble pas fiable
de ce point de vue. Les rabbins ont été placés au premier rang, par rang d'âge, les
laïcs derrière. Le chef du Sanhédrin - David Sinzheim, rabbin de Strasbourg - porte
comme à l'antique le nom de Nasi. Ses deux assesseurs, les rabbins italiens Joshua
Benzion Segré, de Verceil (Vercelli), et Abraham de Cologna, de Mantoue, sont
désignés Ab Bet Din et Ha'ham. Les membres du Sanhédrin, tout à l'antique, sont
au nombre de soixante et onze, assistés de trois scribes - une majorité de rabbins et
vingt-cinq laïcs.
Le chef du Sanhédrin a revêtu pour la solennité une simarre de velours noir
resserrée par une grande ceinture de soie noire, avec un large rabat blanc à deux pans
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