
22 LA SACRALISATION DU POUVOIR
ne partageant pas leur foi. On sait que ce souci de défendre et illustrer la foi juive
hantait l'imaginaire du judaïsme alexandrin car un texte comme le roman de Joseph et
Aséneth
2
reflète la même préoccupation
3
.
Les juifs en terre d'Egypte furent progressivement maltraités par le despotisme
pharaonique, - c'est du moins la thèse de Philon -, aussi Moïse, homme élevé au
carrefour de plusieurs traditions, fut-il appelé à libérer son
peuple.
Véritable figure du
héros,
le Moïse de Philon cumule toutes les qualités politiques. Tour à tour souverain,
chef de guerre, prêtre, prophète, patriarche, législateur,
juge,
son Moïse est en quelque
sorte le paradigme du parfait monarque hellénisé. Il faut sans doute voir derrière cette
narration haute en couleurs la construction « en creux » d'un modèle susceptible
d'enseigner aux grands de ce monde les devoirs inhérents à la charge du politique
4
.
Le plaidoyer de Philon est donc d'une simplicité toute biblique. La religion juive
n'est en aucun cas une menace pour l'empire ; au contraire, le peuple juif est une
nation de philosophes. Elle défend des rites et lois séculaires qui sont compatibles
avec l'Empire à condition que l'on respecte les spécificités socio-religieuses des
pratiques auxquelles le fidèle est astreint ; or, comme la Loi est en tous points morale
et pondérée, il ne peut en résulter aucune menace pour l'autorité. L'histoire devait
infirmer cette lecture très alexandrine du judaïsme.
Problème chronologique de l'ambassade
Smallwood
s'est
efforcé de reconstituer les événements en opérant une lecture
historique minutieuse des écrits de notre auteur. On sait qu'au cours de l'été 38 de
notre ère, des troubles importants secouèrent la ville d'Alexandrie
5
. Dans son In
Flaccum, traité qui tente de démontrer l'incurie criminelle de Flaccus, le mauvais
préfet qui joua un rôle de catalyseur dans toute l'affaire, Philon retrace ces tragiques
événements
6
.
A la suite des exactions et massacres qui eurent lieu à Alexandrie, cinq délégués
furent envoyés à Rome, Philon ayant été désigné comme chef de l'ambassade comme
l'atteste également Flavius Josèphe qui semble tenir notre philosophe pour un
personnage de premier plan. La mission des ambassadeurs était de plaider la bonne
foi de la communauté juive, de réclamer justice auprès de l'empereur et de redresser
les propos injurieux tenus par les partisans de Flaccus contre les juifs.
Du point de vue historique, il semblerait que la fameuse entrevue entre les
ambassadeurs et Caius eut lieu entre 40 et 41 après J.-C. En effet, nous savons que
de septembre 39 à mai 40, Caligula était en campagne sur le front germanique; nous
connaissons également la date de son assassinat perpétré le 24 janvier 41. Il est
donc probable que l'audience dans les jardins impériaux eut lieu après le retour de
Germanie car les ambassadeurs font allusion à cette campagne en Legatio.
Alors que Caligula souligne le manque de respect des juifs à son endroit, les
ambassadeurs objectent :
Seigneur Caius, c'est nous calomnier
!
Car nous avons bel et bien sacrifié
et même nous avons sacrifié des hécatombes, non pas en répandant seulement le
sang autour de l'autel, quitte à emporter chez nous les viandes pour un festin ou un
banquet, comme d'aucuns ont coutume de faire, mais en abandonnant à la flamme
sainte
des
victimes à brûler en entier, et cela trois fois déjà, non pas une
:
la première
Comentarios a estos manuales