
LES PANÉGYRISTES JUIFS DE NAPOLÉON I
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israélites la faculté de faire l'usure avec ceux qui ne sont pas de leur religion comme
l'une
des causes des préventions qui se sont élevées contre eux»
17
.
Le Sanhédrin pouvait-il être considéré comme une autorité religieuse ou non, la
question a été au centre de la critique orthodoxe et du débat historiographique. Une
des fonctions du Sanhédrin antique, le Bet Din ha-Gadol ou Tribunal Suprême, était
de dire souverainement la halakhah, la loi juive.
C'est
ce rôle qu'on a retenu pour
constituer le Sanhédrin de Napoléon en 1807. Or, les aspects sur lesquels il avait à
se prononcer avaient été souvent appréciés par des autorités rabbiniques locales, à
différents moments de l'histoire juive. Comme Ta montré Charles Touati, le Sanhédrin
de 1807 a récupéré l'ensemble du prestige du Sanhédrin antique pour aborder en fait
quelques éléments accessoires de ses prérogatives d'origine
18
.
Qu'on lui reconnaisse une autorité égale à celui du Sanhédrin antique ou non, il a
la légitimité
d'une
assemblée de rabbins à l'autorité reconnue. La
loi
juive prévoit de
toute manière que l'autorité d'un seul rabbin, dans sa ville ou dans sa communauté,
vaut celle de l'antique Sanhédrin
19
.
De
plus,
la
Torah
insiste sur l'autorité des rabbins
du siècle, c'est-à-dire des contemporains (Deutéronome, xvn, 9).
Enfin, la question fut posée de la validité des actes d'un rabbin nommé par
l'autorité civile. Ce fut le cas non seulement des rabbins du Sanhédrin, mais aussi
du personnel religieux en France jusqu'en 1905, et dans d'autres pays tombant sous
le coup
d'une
organisation analogue des rapports entre l'autorité civile et le culte
Israélite. La loi juive prévoit ce cas, admettant ces actes comme valables si ce rabbin
est agréé par sa communauté, s'il est digne et savant. Dans le cas du Sanhédrin, ce fut
certainement le cas d'un Sinzheim par exemple, considéré comme un des plus grands
talmudistes de son temps.
Il résulte de ces éléments que le Grand Sanhédrin de 1807 est fondé à se proclamer
autorité rabbinique. La différence par rapport à ses prédécesseurs,
c'est
qu'il se
présente comme tel à l'extérieur, vis-à-vis du pouvoir civil, créant une confusion avec
la manière dont
s'exerce
l'autorité en matière d'interprétation de la loi religieuse dans
d'autres confessions, principalement le culte catholique. Napoléon le considérera dès
lors à tort comme une autorité doctrinale unique, lui conférera un prestige baigné par
l'identité symbolique avec son illustre prédécesseur et en fera une chambre d'écho
auxiliaire de la sacralisation de son pouvoir personnel.
Les formes de la sacralisation
On a vu la scène de l'installation du Grand Sanhédrin, empruntée à l'antiquité
juive. Le décorum sert à mettre sur le même pied l'amour de la
patrie,
de la religion et
du souverain. Il en est de même de la rhétorique du Sanhédrin, de la littérature juive
impériale de l'époque et du rituel dans les synagogues.
La sacralisation du politique exige exaltation et soumission, tout comme elle
entraîne le passage du discours religieux, de son lexique, de ses symboles rhétoriques
et de ses procédés stylistiques dans le champ du politique. Au Sanhédrin, il y a unité
dans l'obséquiosité et l'adulation, comme l'évoquera au xix
6
siècle l'abbé Joseph
Lémann, un juif converti à un catholicisme intransigeant, qui figure parmi les
adversaires patentés du judaïsme et de la Révolution qui l'a émancipé - mais dont
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