
LES PANÉGYRISTES JUIFS
DE
NAPOLÉON I
ER
115
rabbin italien Abraham de Cologna dira qu'il a gravé le bonheur perpétuel des peuples
« sur les tables de ses
lois »
u
.
Au même moment, l'Eglise réformée célèbre elle aussi
le «héros législateur»
35
.
L'abbé Lémann fait la comparaison entre Moïse et Napoléon
:
ce dernier va au pas
de course.
Il a
fallu
à
Moïse, pour
le
seul Décalogue, passer quarante jours
au
Sinaï.
Les nouveaux législateurs
du
Sanhédrin n'ont
eux que
trente jours pour présenter
à
l'Empereur leurs décisions doctrinales
36
.
Le souhait
de
Napoléon était que
les
réponses
de
l'Assemblée
des
notables
aux
questions qu'il
lui
avait posées fussent converties
en
décisions doctrinales,
de
façon
à former une «seconde législation des Juifs», après
la loi
mosaïque.
Il est
probable,
si
l'on
suit
la
thèse
de
Robert Anchel
- à
savoir que c'est l'Empereur lui-même
qui
eut l'idée
de la
convocation
du
Sanhédrin
-
que son projet
ait
germé
à la
lecture
des
rapports
des
commissaires
du
gouvernement
et des
réponses
de
l'Assemblée
des
notables
37
.
Pour connaître
le
fonctionnement
du
Sanhédrin,
il se
fondera
sur une
étude historique relative
au
Sanhédrin
de
Jérusalem
que lui
remet Louis-Mathieu
Mole, alors auditeur
au
Conseil d'Etat,
en
septembre 1806
et
qui, d'après François
Piétri, pourrait avoir été confiée
à
David Sinzheim
38
.
Une médaille
de
l'époque, célébrant
le 30 mai 1806,
date
de la
convocation
de l'Assemblée, montre Moïse
se
prosternant devant Napoléon. Napoléon, porteur
des décisions
du
Grand Sanhédrin,
à
l'instar
de
nouvelles tables
de la
Loi, semble
les tendre
à
Moïse
39
. On
reviendra plus loin
sur la
signification
de
cette médaille.
Napoléon,
par sa
politique juive, veut éclipser l'émancipation révolutionnaire
de
1791
et
marquer l'histoire
par
une libération définitive, quoique conditionnelle,
des
juifs.
Il le
fait en posant des actes légaux,
en
demandant une sanction légale aux juifs
- le Grand Sanhédrin
- et en
marquant
la
symbolique
de sa
propagande des attributs
du législateur, associés
à
une généalogie prestigieuse.
Car on est là au
centre
de son
idéologie
:
la
célébration quasi religieuse, sinon rousseauiste,
de la
loi.
Il y a là une
rencontre entre
le
besoin irrépressible
de
Napoléon
de
légitimer
son
pouvoir
par sa
théologie
de la loi et le
rôle primordial, qu'il
a
bien perçu,
de la loi
dans
la
tradition
juive.
Intercesseur entre
le
divin et la réalité historique
Napoléon
est
l'élu
de
Dieu.
Le
prospectus
de la
première collection
de
procès-
verbaux
de
l'Assemblée
des
notables, celle
de
Diogène Tama, l'indique;
«Le
Dieu
qui fait
les
Rois,
a
choisi
le
grand Napoléon pour être l'organe
de
ses volontés»
40
.
Le rabbin italien Segré,
à
l'Assemblée
des
notables, parle
d'un
«génie surnaturel»
et
du
«Salomon de notre siècle»; «Dieu
a
donné
à
l'Empire», dit-il, «un Monarque
conforme
à
sa volonté»
4l
.
David Sinzheim,
le
chef du Grand Sanhédrin, lors
de
l'Assemblée des notables
déjà, utilisera
le
verset d'Isaïe
(XLII) où
Dieu parle
de son
élu:
«Je
répandrai
mon
esprit sur lui
et
il rendra justice aux nations... »
42
. Dieu a choisi Napoléon, dit-il en se
fondant sur Daniel (u-21), il
l'a
appelé et
l'a
sanctifié
43
.
Il l'a
pris par la main pour lui
assujettir les nations
-
paraphrase d'Isaïe
(XLII-1)
et d'autres références bibliques afin
de montrer qu'il est comme David ou Salomon le monarque choisi par Dieu...
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