
LES ASSEMBLÉES PLÉN1ÈRES DE L'ÉPISCOPAT FRANÇAIS (1906-1907) 211
non
des
pensées de guerre, mais
des
pensées
de
paix
: cogito super
cogitationes pacis
et non
afflictionis.
Ah
! vienne
bientôt le jour
où,
tous les
préjugés
étant
dissipés,
toutes
les
hostilités
apaisées, dans cette basilique enfin achevée, l'épiscopat français, réuni de nouveau
tout entier, pourra consacrer solennellement au cœur de Jésus le monument de la foi
et
de
la piété nationales, et proclamer le
«
règne de ce cœur divin sur la France et sur
le monde dans la liberté et dans l'amour
!
».
Ainsi étaient réaffirmées l'union de l'épiscopat et du Saint-Siège, la mission
sacrée des évêques d'enseigner au peuple la voie du salut et surtout l'idée d'une
France éternellement chrétienne, car telle était sa vocation depuis des siècles, ce
qui légitimait une nouvelle fois le pouvoir des évêques. M
p
Amette donna ensuite
le salut au Saint Sacrement, les évêques à genoux sur leur prie-dieu implorèrent la
protection d'en haut. Ils prononcèrent la consécration du genre humain au Sacré-
Cœur
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et la prière du vœu national. La cérémonie se termina par le Domine salvam
fac Republicam, comme sous le Concordat.
Cette cérémonie de clôture était lourde de sens. Le lieu lui-même était, pour les
républicains, le symbole de la contre-révolution se dressant au-dessus de Paris. Mais
pour beaucoup de membres de l'épiscopat, il était indubitablement tout autre. Il ne
s'agissait nullement de défier les institutions, comme le montrait la prière en faveur
du régime, mais de montrer que la France s'égarait. Si le Sacré-Cœur avait été élevé
en expiation des « péchés » de la France, la construction de la basilique devait être le
lieu d'application, pour le clergé, de la théorie catholique du « pouvoir indirect » de
l'Eglise par rapport à l'Etat
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. Au-delà de la symbolique de l'édifice, les évêques en
se référant au Sacré-Cœur et à la prière du vœu national, en appelaient à la communion
avec le Saint-Siège et au salut de la France. L'épiscopat faisait le rapprochement entre
les malheurs de la France et les mesures de sécularisation considérées comme des
péchés. Les prélats exposaient ainsi l'idée d'une France par essence catholique, que
Dieu aime, pour laquelle le Christ était mort et qui pouvait rendre grâce ou pécher.
Elle était chrétienne depuis sa naissance au temps de Clovis, mais elle était aussi
pécheresse non repentante. Pour trouver des solutions à la « crise d'adolescence »
de la «fille aînée de l'Eglise», il fallait se tourner vers Dieu. C'était le rôle des
évêques, pasteurs de la France. Ce vœu national se faisait pour la France, pour son
salut politique et spirituel, qui devait se faire dans la communion avec le Saint-Siège.
Le salut de la France passait par le Christ, son vicaire sur terre et les successeurs des
apôtres qu'étaient les évêques.
La clôture de la seconde assemblée plénière allait réaffirmer, dans la cathédrale
Notre-Dame de Paris, cœur de la France politique et catholique, haut lieu de la
synthèse entre le monde religieux et le pouvoir civil - auxquels elle avait servi de
caisse de résonance par les manifestations qui s'y déroulèrent -
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que la France était
un pays élu, en passe de trahir sa vocation. Cette fois, la cérémonie avait été annoncée
et le vendredi 7 septembre à trois heures de l'après-midi, les membres de l'assemblée
se retrouvèrent à Notre-Dame. L'événement était similaire à celui de juin ; cependant
à la veille de l'entrée en application de la loi, il fut plus solennel. Dans cet après-midi
particulièrement chaud, aucune tenture n'avait été mise dans la cathédrale de Paris.
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