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LA
SACRALISATION
DU
POUVOIR
enfants d'Abraham tandis
que la
religion était attachée
à la
terre
et au
Temple.
Mû
par
l'inspiration divine, Mattathias n'aurait fait qu'accomplir son devoir. Cette
justification n'en était pas pour autant directement applicable à l'action de Joad. Tyran
d'usurpation, Athalie laissait aux juifs
la
liberté
du
culte
et ne
semblait menacer
le
grand prêtre que sous
les
coups
de la
rage, elle-même provoquée
par les
vexations
d'un culte israélite fermé aux autres nations
:
Je sais sur
ma
conduite et contre ma puissance
Jusqu'où de leurs discours ils portent la licence.
Ils vivent cependant, et leur
Temple
est debout.
Mais
je sens que bientôt ma douceur est à bout.
Que Joad mené un
frein
à son zèle sauvage,
Et ne m'irrite point par un second outrage
(v.
595-600).
ATHALIE
J'ai mon Dieu que je
sers.
Vous servirez le vôtre.
Ce sont deux puissants Dieux.
JOAS
Il faut craindre le mien,
Lui seul est Dieu, Madame, et le vôtre n'est rien
(v.
684-687).
A
la
légitimité
de
l'intervention
du
pontife s'ajoute donc celle
du
gouvernement
envisagée sous
le
prisme
de la foi
professée
par son
représentant.
Si
l'usurpation
d'Athalie
et la
restauration de
la
lignée
de
David constituaient un élément important
pour justifier
sa
destitution, l'argument
de la
déviance religieuse
d'un
chef d'Etat
avait largement été mis
à
mal par les théoriciens français soucieux, après l'assassinat
d'Henri
rv, de
garantir
le
trône
de
tout débordement.
En
1615,
le
Grand Condé
avait lui-même rappelé, devant Louis xin,
les
dangers
de la
téméraire innovation
de
Grégoire vu sur l'excommunication et la déposition des rois. Il était indispensable aux
yeux de l'Ecole de Paris de maintenir les sentences spirituelles dans Tordre spirituel,
conformément
à la
doctrine
de la
séparation des deux puissances enseignée
par les
écrits néotestamentaires. Reprenant le discours de Condé, Bossuet pourrait à son tour
contre-attaquer les démonstrations extrémistes de Grégoire de Valence, de Bellarmin
ou
de la
Démonstration anglicane
de
Martin Bécan, soutenant qu'un monarque
apostat pouvait
«
être dépouillé
de son
royaume
par
l'autorité
et le
jugement
du
souverain pontife
»
M
. Ces théologiens étrangers avaient vu dans le thème d'Athalie,
la source propice
à
toutes leurs dérives.
La
reine idolâtre, selon
ces
derniers, avait
été dépossédée puis mise
à
mort,
non
seulement parce qu'elle s'était emparée
tyranniquement
du
royaume mais encore pour expier
son
apostasie
55
. Après avoir
insisté
sur la
légitimité
de
l'autorité temporelle chez les princes infidèles,
il
restait
à
Bossuet, dans un ouvrage intitulé Defensio declarationis cleri gallicani - justification
théologique
de la
Déclaration
des
Quatre articles
du
19 mars 1682
56
-, à
imposer
sa lecture
du
livre des Rois
et à
réaffirmer
le
rôle exceptionnel décerné
à
Joad
par
Dieu même. L'apostasie
ne
constituait pas ainsi
le
motif principal
de la
destitution
d'Athalie, même
s'il
restait
un
chef d'inculpation,
de la
même manière que l'action
du grand prêtre ne découlait pas de sa propre initiative mais faisait de lui l'instrument
exceptionnel
de la
volonté divine
qui
avait
su
préserver
un
héritier direct. Bossuet
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