
LES RITUELS D'INVESTITURE ET DE MORT DU PAPE 65
l'apôtre) pour y être consacré et couronné, avant de retourner au Latran. Désormais,
c'est la dimension universelle symbolisée par Saint-Pierre qui précède la dimension
locale, figurée par Saint-Jean-de-Latran, qui est la cathédrale du diocèse et le siège
officiel de l'évêque de Rome.
Par ailleurs, cette couronne pontificale particulière, que l'on appelle la tiare,
prend au cours du
xm*
siècle une forme définitive et singulière. Couvre-chef
plus
ou
moins conique dont les pontifes héritent du fait de la (fausse) Donation de Constantin,
la tiare était un symbole impérial. Dans la Donation de Constantin (rédigée
vraisemblablement au
vm*
siècle), on apprend en effet que le pape Sylvestre I
er
aurait
refusé le diadème et la couronne que lui offrait l'empereur, mais qu'il aurait accepté
le chapeau phrygien, symbole de la résurrection du Christ (ce symbolisme christique
sera souligné plus tard par la présence de plumes de paon surmontant la tiare). En
réalité, la tiare était surtout un symbole d'inspiration impériale et byzantine. Elle va
se transformer au cours du xm* siècle : au début, elle ne comporte qu'une couronne
et, à la fin du siècle, Boniface vm lègue à la postérité une tiare avec trois couronnes
(en fait, un diadème et deux couronnes). Il faudra toutefois attendre le pontificat
de Clément vi (1342-1353) pour que la tiare prenne la forme de trois couronnes
identiques qui
s'est
perpétuée presque jusqu'à
nos
jours,
puisque ce n'est qu'en 1964
que Paul vi y renonça officiellement. Dans les représentations iconographiques des
xrV et
XV
e
siècles, la tiare est arborée par Dieu le Père, par le Fils, puis par les trois
personnes de la Trinité. Ce «Dieu en pape» est une étrangeté de l'art religieux du
bas Moyen Age
28
qui rend compte de cette tendance de l'ecclésiologie pontificale
médiévale à identifier la personne du pape à celle du Christ
:
c'est parce que le pape
a été considéré comme l'image et le représentant du Christ sur terre que Ton a pu en
retour représenter Dieu sous les traits d'un pape.
Le rituel de Vétoupe
Parmi la série de rites destinés à rendre visible la caducité du pape-homme, l'un
des plus intéressants est celui de la mèche d'étoupe. Ce rituel, qui se pratiquait à
l'occasion de la messe de Pâques, était également célébré lors du couronnement du
pape.
L'origine de ce rite d'humiliation est byzantine. L'adoption de celui-ci par la
papauté témoigne donc aussi du souci d'imitation des empereurs. Le premier auteur
occidental à en avoir parlé (mais dans le contexte byzantin) est Pierre Damien, l'un
des grands inspirateurs de la réforme de l'Eglise au xf siècle. Dans un opuscule
qu'il adresse au pape Alexandre n en juin 1064
29
, il décrit les rites d'humiliation
qui étaient en usage à Byzance le jour où l'empereur était couronné. On présentait à
ce dernier un vase plein d'ossements humains et de cendres des morts ainsi qu'une
étoupe de lin finement peignée qu'on allumait et qui se consumait en un clin d'oeil.
Ce rite d'humiliation avait pour but de rappeler à la fois le côté caduc de la dimension
physique de l'empereur (les ossements et les cendres lui montrent «ce qu'il est») et
l'aspect transitoire de son pouvoir (la rapidité avec laquelle l'étoupe est dévorée par
les flammes - allusion à la promptitude avec laquelle le monde s'embrasera le jour du
Jugement - doit inciter
V
empereur à considérer la vanité de
«
ce qu' il a
»).
A Byzance,
on présentait des ossements humains. Cette partie du rituel n'a pas été accueillie à
Rome, Par contre, le rituel de l'étoupe
s'est
retrouvé dans le cérémonial pontifical, et
Comentarios a estos manuales